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Jeroen Verbruggen : « J’ai toujours été dans mon propre monde »

photo Grégory Batardon
photo Grégory Batardon

À la création, son Casse-Noisette a été vivement remarqué. Jeroen Verbruggen a eu l’audace de prendre beaucoup de liberté avec ce ballet classique mis en musique par Tchaïkovski. Avec lui, pas de sapin mais une armoire avec des tiroirs et des miroirs. Peu de référence à Noël. Et le chorégraphe a modifié l’ordre de plusieurs morceaux de la partition. Dans cette histoire, Marie, adolescente tourmentée, a besoin de briser sa coquille. Pour cela, elle va vivre dans ses rêves. Casse-Noisette, imaginé par Jeroen Verbruggen, devient une pièce fantastique et quelque peu sombre, portée par les 22 danseurs du ballet du Grand Théâtre de Genève, habillés par les artistes de « on aura tout vu ». À voir jeudi 11 et vendredi 12 octobre au Volcan au Havre. Entretien avec le chorégraphe.

Casse-Noisette est une œuvre classique. Vous ne pouviez y échapper en tant que chorégraphe ?

Tous les danseurs ont interprété Casse-Noisette. Or, je ne l’ai jamais dansé. Quand je partais d’un endroit, c’est à ce moment-là que la troupe travaillait sur ce classique. En tant que spectateur, je ne l’ai pas beaucoup vu non plus. Je n’ai donc jamais eu d’overdose de Casse-Noisette. Pour un chorégraphe débutant, c’est une grosse production. C’est aussi une pièce qui permet d’aller dans plusieurs directions. C’est vrai, ce n’est pas une œuvre à la mode mais je me suis senti à l’aise d’aller à l’endroit où je voulais. J’ai eu envie de rendre plus noir ce Casse-Noisette tout en gardant son esprit.

Avez-vous beaucoup lu sur cette œuvre ?

J’ai lu le conte d’Hoffmann. Je me suis laissé plus influencer par le livre que par le ballet classique. Hoffmann était quelqu’un d’alcoolique, obscur même s’il écrivait pour les enfants. J’aime beaucoup le côté sinistre avec le trait d’humour. Au lieu de parler d’une petite fille, j’ai imaginé une adolescente, pas forcément bien dans sa peau, qui part à la recherche de son identité. Selon moi, pour aimer une personne, il faut s’aimer soi-même. Marie va alors apprendre à se regarder. D’où le travail sur l’effet miroir, les symboles. 

Est-ce pour vous un conte initiatique ?

Exactement. Nous traversons de telle période dans nos vies. Et pas seulement au moment de l’adolescence. Dosselmeyer va aider Marie. A-t-il des arrière-penseées pendant les différentes fêtes ? On parvient dans un univers fantastique à la Tim Burton. C’est aussi un conte philosophique. Comme dans tous les contes, il y a un message, une histoire atroce liée à l’enfance qui va nous permettre de grandir ou de ne pas grandir.

 

 

Comment avez-vous travaillé sur ce personnage de Marie ?

Cela a été assez évident. Il fallait tout s’abord trouver la bonne Marie. Sara Shigenari est une danseuse étonnante. Elle n’est pas très féminine. Pourtant, elle dégage une expression féminine. Il y a eu une sorte de coup de foudre. Ensemble, nous avons beaucoup discuté du rôle. Dans le mouvement chorégraphique, nous avons travaillé sur des choses pas forcément organiques. Il faut toujours écouter ce que le corps dit de faire. Les choses se libèrent au fur et à mesure.

Pourquoi cet univers fantastique s’est-il imposé à vous pour Casse-Noisette ?

Mon travail est très visuel. C’est mon point fort. Ce qui n’empêche pas les doutes. Je suis à la fois chorégraphe, metteur en scène et scénographe. Tout cela a toujours été très important pour moi. Comme la musique. Je fais référence aussi au mouvement symboliste du début du XXe siècle. Les poètes comme Baudelaire, Mallarmé, les compositeurs comme Debussy m’inspirent tellement. J’ai toujours été dans mon propre monde. Cela se fait naturellement.

Pourquoi le choix d’une armoire ?

Dans le livre, la petite fille traverse une armoire. Pour moi, celle-ci symbolise tout ce qui concerne l’identité. Comme Marie n’aime pas ce qu’elle voit, elle va briser le miroir. Cela m’inspire l’humain et le mal qu’il peut faire. Dans ce monde de rêves, les choses vont mieux.

 

Infos pratiques

  • Jeudi 11 octobre à 19h30, vendredi 12 octobre à 20h30 au Volcan au Havre. 
  • Tarifs : de 33 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture. 
  • Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com