Camille Trouvé : « Antigone est la figure de la révolte »

photo : Vincent Muteau

C’est un premier rendez-vous avec Les Anges au plafond depuis l’arrivée des deux fondateurs de la compagnie, Camille Trouvé et Brice Berthoud, à la tête du CDN de Normandie-Rouen. La comédienne joue du 8 au 10 mars Une Antigone de papier au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly. Dans ce spectacle, écrit par Brice Berthoud, Camille Trouvé qui a créé toutes les marionnettes et les manipule s’empare du mythe d’Antigone, une femme en colère et en lutte après l’arrivée au pouvoir de Créon à Thèbes. Celle-ci va dire son refus de voir s’élever un mur qui sépare les peuples. Entretien avec Camille Trouvé.

Qui est Antigone ?

Antigone est une jeune femme qui sort de l’adolescence et entre dans le monde des adultes. Elle va découvrir la brutalité du monde. Alors elle va se révolter, oser dire non à un ordre des choses qui est loin des valeurs qu’elle défend. Antigone est la figure de la révolte. Elle n’a pas encore eu d’enfant, connu de grands émois. Elle choisit la révolte avant les grandes passions. C’est très difficile de mêler l’intime et le politique.

Que refuse-t-elle ?

Elle dit non au roi et à son oncle alors qu’elle est prise dans des liens d’une famille traumatisée. Il y a une malédiction sur cette famille. Antigone porte les erreurs d’une génération. Les fautes commises par les aïeuls se reportent sur les générations futures. Si Antigone dit non, Ismène, sa sœur, dit oui à la vie, à la maternité. Elles sont les deux parties d’une même femme qui est en révolte et veut goûter à la vie. Elles sont comme des sœurs jumelles.

Qu’a Antigone à nous dire aujourd’hui ?

Elle est importante à chaque époque. Chaque période la réécrit en fonction de la colère et de la révolte qu’elle traverse. Anouilh en fait une figure de la résistance. Pour Bauchau, elle est une figure des laissés pour compte. Pendant notre travail, nous nous sommes permis beaucoup de liberté. Nous nous sommes interrogés sur l’endroit où elle serait, ce qu’elle refuserait. Il a été évident que ce serait à une frontière avec un mur qui se construit après un conflit. Quand j’ai vu le mur de Berlin tomber, j’étais au collège. C’était de la folie. On pensait que le monde allait changer pour offrir plus de libertés. Aujourd’hui, les murs se reconstruisent. Même dans nos têtes. Ce qui est insupportable. Antigone est dans cette ville, séparée par un mur, où les uns ne peuvent pas avoir accès aux autres.

Le public va aussi éprouver cette séparation.

Le dispositif scénique a été imaginé par Brice (Berthoud, ndlr) et Dorothée (Ruge, ndlr). Le public doit ressentir cette séparation. Au début du spectacle, il y a une petite arène chaleureuse. Les deux frères se sont entretués et la ville de Thèbes se relève. On pourrait penser qu’il y a une fête. Or elle est de courte durée. Créon va séparer les traitres des bonnes personnes et construire ce mur parce que la frontière n’est pas respectée. Il coupe le dialogue.

Quelle a été votre approche lors de la construction des marionnettes ?

Antigone est une figure impressionnante. J’ai voulu lui redonner la fragilité de ses 17 ans. Elle va être déchirée par l’histoire, devoir se plier. Elle va payer cher son geste. Elle redonne le mythe sans juger. Juste en observant, on assiste à la tragédie qui se déroule. 

Est-ce un spectacle très physique ?

Oui, c’est un des spectacles les plus physiques de la compagnie. Il y a une vraie partition avec des marionnettes à taille humaine, un travail vocal… Il faut donner vie à tout cela. C’est presque une danse.

Infos pratiques

  • Mardi 8, mercredi 9 et jeudi 10 mars à 20 heures au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly
  • Durée : 1h20
  • Spectacle à partir de 10 ans
  • Tarifs : 15 €, 10 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr