Camille Barnaud sera la prochaine directrice du Volcan

photo : Romain Carlier

Camille Barnaud a été nommée à la direction du Volcan, la scène nationale du Havre. L’actuelle directrice-adjointe du Phénix, scène nationale de Valenciennes, succèdera ainsi le 1er juillet 2022 à Jean-François Driant, en poste depuis 2006. Entretien avec une femme enthousiaste qui a été administratrice de la Ménagerie de Verre, attachée de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France à Cuba et responsable au centre dramatique national d’Orléans.

Qu’est-ce qui a motivé cette candidature à la direction du Volcan ?

Il y a la correspondance entre le Havre, la scène nationale et mon parcours. J’ai participé à la production et l’accompagnement d’artistes à l’international. J’ai aussi travaillé en Colombie sur un projet de danse contemporaine. Le festival Next du Phénix est transfrontalier. Par ailleurs, Le Volcan est une structure remarquable par ses moyens, son ampleur, sa capacité de rayonner. Il est un outil de création, ouvert sur la Seine et la mer.

Est-ce, pour vous, une suite logique ?

Oui, il y a aussi une appétence pour Le Havre. Mes grands-parents ont habité près d’Évreux et nous venions au Havre. Je ne connais pas très bien la ville encore. Je me souviens avoir accompagné Hervé Robbe qui terminait son parcours au centre chorégraphique national du Havre. J’avais redécouvert une ville en plein développement.

Les scènes nationales ont 30 ans. Quelle est l’importance de ces structures conventionnées dans le paysage culturel ?

Les scènes nationales ont une vraie importance parce qu’elles accompagnent le public et les artistes dans le risque de la découverte et de la création. Nous le savons, nous n’allons pas naturellement vers quelque chose que nous ne connaissons pas. Les scènes nationales assurent ce lien et permet de développer une offre. Pendant la crise sanitaire, elles ont fait preuve d’une grande solidité, apporté un soutien à la filière et su inventer.

Quelles sont les réflexions qui ont émergé pendant cette crise sanitaire ?

Ce fut en effet un moment de réflexion sur mon métier, sur les outils numériques. Il est possible de s’en emparer et de ne pas les subir. Cela n’a jamais remis en question l’utilité de nos métiers. Nous avons vu à quel point les spectateurs les plus fidèles ont voulu maintenir le lien. Au Phénix, certains venaient coller des mots de soutien. Quand nos lieux ont pu rouvrir, les compagnies sont venues travailler. Nous sommes allés dans les écoles, les hôpitaux et avons inventé des choses avec le numérique. Tout cela a montré que ce système français est vertueux.

Quel regard portez-vous sur le paysage culturel havrais et normand ?

Il me reste encore une grande partie à découvrir. Le Havre est riche de structures culturelles diverses avec un centre chorégraphique, le théâtre des Bains-Douches qui est complémentaire du Volcan, le Tetris, le théâtre de l’Hôtel de ville… Il y a aussi tous les acteurs du champ des arts visuels.

Vous portez notamment une attention particulière aux arts visuels.

Cela participe d’une réflexion sur le lien entre les œuvres et le public, d’une réflexion qui peut être plus riche à mener en rapport au secteur des arts vivants. Il faut chercher avec les artistes comment il est possible d’équilibrer ou horizontaliser ce rapport, parfois vertical, entre les structures culturelles et le public.

Et vous n’excluez pas le sport.

Il y a un intérêt de la jeunesse pour le sport. Dans notre volonté de renouveler le public, le sport est un bon vecteur. Il y a des valeurs communes entre le sport et la culture. Comme des valeurs du récit, des thématiques d’intelligence collective et le rapport au corps.

Vous souhaitez une ouverture vers la littérature.

En rencontrant les acteurs du territoire, j’ai découvert le réseau de la lecture, la médiathèque, le festival Le Goût des autres… Cela recoupe cette thématique du récit. Plus largement, je parlerai davantage du livre plutôt que de la littérature. C’est le livre avec son rapport à l’image et au réel.

Pourquoi envisagez-vous de faire de Ad Hoc un festival non seulement pour les enfants mais aussi pour les collégiens et les lycéens ?

Ce festival est le fruit d’un travail formidable parce qu’il se déroule sur un large territoire, propose une diversité et une qualité de spectacles. C’est aussi une vraie prise de risque artistique. Il y a en effet l’envie de le développer sur la période de l’adolescence, un âge charnière, un moment de transition vers une autre pratique culturelle. La pratique captive devient adulte et autonome. Nous le voyons : les seuls jeunes qui continuent à venir sont ceux qui sont en option théâtre au lycée.

Pendant les trois prochaines années, quatre artistes seront associés au Volcan. Qui sont-ils ?

Il y a tout d’abord Guy Cassiers, metteur en scène flamand qui effectue un travail avec les jeunes et sur les mises en scène d’adaptation de romans. Gisèle Vienne, franco-autrichienne, est une chorégraphe qui a un univers très plastique. La troisième est Émilie Rousset, une jeune artiste qui traite des thématiques de la société à travers des images d’archives et les musiques utilisées par les politiques. Enfin, Nosfell, performeur, tente des choses hybrides.

La dimension européenne revient souvent. Pourquoi ?

Elle est importante. Dans le paysage des scènes nationales et des structures culturelles de Normandie, le Volcan a un potentiel de rayonnement avec l’accueil de spectacles et la mise en œuvre de partenariats. Toutes ces thématiques de création, de recherche ne s’arrêtent pas aux frontières. Sur la capitainerie est écrit Le Havre, porte de l’Europe. C’est une porte pour accueillir des spectateurs, des artistes.

Quelle attention aurez-vous pour les compagnies normandes ?

J’en connais déjà certaines. Cela a participé de mon envie de venir dans cette région. Je souhaite un travail en collaboration avec d’autres partenaires de Normandie. Il y a la volonté d’accompagner des parcours artistiques. Le Volcan va intégrer le réseau PAN (les producteurs associés de Normandie, ndlr). Au Havre, le théâtre des Bains-Douches a une vision sur l’émergence. Nous allons travailler en complémentarité.

Votre projet comporte une plus grande ouverture du Volcan au public. Comment l’avez-vous imaginée ?

Le bâtiment n’est pas facile parce qu’il n’a pas beaucoup de fenêtres. Je souhaite développer les relations avec les partenaires locaux et les associations de pratiques amateurs, les rencontres pendant la journée, les cartes blanches avec le CEM et le conservatoire. Il faut que le lieu puisse vivre au quotidien.