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Le théâtre intime d’Estelle Savasta

Photo : Danica Bjeljac

Après Alexander Zeldin, le CDN de Normandie-Rouen accueille Estelle Savasta, autre artiste associée. Au programme : deux spectacles complètement différents. Lettres jamais écrites, une lecture, est proposée les 26 et 27 novembre. Suivra, du 29 novembre au 1er décembre, Nous, dans le désordre, une pièce de théâtre sur la désobéissance.

Pour Estelle Savasta, l’écriture part toujours de l’intime. « Je ne sais pas vraiment quel est le point de départ. Cependant, ce qui me met en mouvement, c’est une question qui me préoccupe. Ce que je crée répond à une nécessité. Je n’ai pas de mode opératoire. Chaque spectacle a sa manière de se construire ». Autrice et metteuse en scène, la fondatrice de la compagnie Hippolyte a mal au cœur observe, s’immerge et porte un regard très attentif sur la jeunesse. 

Pour Lettres jamais écrites, premier spectacle présenté les 26 et 27 novembre avec le CDN de Normandie-Rouen, Estelle Savasta a proposé à des lycéens et des lycéennes de rédiger un texte. L’exercice : « écrire une lettre que vous n’avez jamais écrite ». L’autrice est « bouleversée par la première. Je m’en souviens encore. C’était un garçon qui avait écrit à son grand-père disparu. Il parlait du deuil. J’ai reçu ensuite quinze lettres, toutes aussi bouleversantes. Il était impossible que je sois la seule lectrice. J’ai eu l’idée d’en faire un spectacle ».

Celui-ci prend la forme d’une lecture donnée par Valérie Puech et Fabrice Gaillard. À ces lettres des adolescents, Estelle Savasta a demandé à des écrivaines et des écrivains, tels que Pauline Bureau, Marie Desplechin, Fabrice Melquiot, Sylvain Levey…,  d’écrire une réponse. Il se crée ainsi un dialogue imaginaire où « la fiction répond à la réalité ». Là, c’est le public, installé dans un dispositif quadrifrontal, qui choisit quel texte il a envie d’entendre.

« Comme un tableau en pointillé »

De l’intime, il y en bien évidemment dans Nous, dans le désordre. Autre spectacle et autre forme, plus traditionnelle, pour aborder la question de la désobéissance. Dans cette pièce de théâtre, Estelle Savasta scrute les réactions des proches d’un jeune homme de 20 ans, Ismaël, qui réalise un acte fort et mystérieux. Il s’allonge au bord d’un chemin, non loin de la maison familiale, et pose à côté de lui un bout de papier sur lequel est écrit : « je vais bien. Je ne dirai rien de plus. Je ne me relèverai pas ».

« Ismaël n’est pas le sujet de ce spectacle. Je me suis demandé comment les parents, le frère et la sœur, les copains, les voisins et les inconnus pouvaient s’accommoder de ce geste-là. C’est comme un tableau en pointillé. Nous suivons chacune et chacun faire son chemin. Il y a encore une question : comment sait-on qu’une histoire a fini de nous transformer », remarque Estelle Savasta. Là, chaque personnage va devoir composer avec ce qui le dépasse.

Pour Nous, dans le désordre, Estelle Savasta a également échangé avec des adolescents pour les interroger sur la désobéissance et la transgression et se souvenir de sa jeunesse. Son travail d’écriture a été un jeu d’aller et retour avec les comédiens et comédiennes. « Il y a eu beaucoup d’improvisation sur la façon dont on vit ensemble, dont on se débrouille avec le désir des autres. Tout cela venait nous chercher de manière puissante ». Nous, dans le désordre est une traversée dans les émotions et une interrogation sur ce qui lie.

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