Emmanuel Meirieu fait résonner la voix de Blind Willie Johnson

photo : Compagnie Bloc opératoire

Dark was the night, cold was the ground, c’est le titre d’une chanson de Blind Willie Johnson. C’est aussi un des titres qui figure sur le disque, envoyé dans l’espace, comme une trace de l’humanité. Emmanuel Meirieu avec sa compagnie Bloc opératoire reviennent sur la vie de ce chanteur dans Dark was the night, un spectacle dans lequel il croise des destins. C’est jeudi 12 janvier à la scène nationale de Dieppe.

Emmanuel Meirieu choisit ses héros. « Je préfère les taiseux aux gueulards. Aujourd’hui, on se trompe de héros. On le voit dans les récits. On idolâtre les voraces, les goinfres et on leur donne le pouvoir. C’est l’indifférence, la brutalité, le manque d’humilité, l’efficacité, la performance qui sont récompensés. J’aime ceux qui sont effacés par la grande histoire. Pour les remercier, j’écris des spectacles en leur honneur ».

Point de départ des créations d’Emmanuel Meirieu  : un fait réel. « Je n’ai plus la nécessité de la fiction. Le réel est très puissant et très beau. Je le transforme le moins possible. C’est juste un regard personnel sur un événement. Je garde juste la puissance allégorique. Il faut toujours une parabole derrière cela ».

Une humanité

Les oubliés sont toujours au cœur des histoires d’Emmanuel Meirieu. De magnifiques histoires empreintes d’émotions, de symboles, d’humanité et de merveilleux qui sont racontées dans des scénographies remarquables. « Il n’y a pas que les empereurs et les reines qui ont droit à de beaux décors ». Après Les Naufragés, l’auteur et metteur en scène s’est intéressé au parcours de Blind Willie Johnson (1897-1945), bluesman américain, mort seul, d’une pneumonie, dans les ruines de sa maison calcinée ; l’hôpital ayant refusé de soigner le chanteur et guitariste parce qu’il était noir et pauvre. 

Une ironie de l’histoire : trente ans plus tard, une de ses chansons, Dark was the night, cold was the ground, a été gravée sur un disque couvert d’or avec 26 autres titres, 118 photographies, des messages de salutations en 55 langues et autres sons de la Terre. L’objet, fabriqué pour durer environ un milliard d’années, a été envoyé le 20 août 1977 de la base de Cap Canaveral aux États-Unis vers l’espace interstellaire. Tel un message transmis à des civilisations extraterrestres afin de découvrir « la meilleure part de nous-mêmes ».

Un « monument »

Présenté à la scène nationale de Dieppe jeudi 12 janvier, Dark was the night n’est pas un biopic. Emmanuel Meirieu dresse un nouveau « monument » pour un oublié, fait entendre la voix de Blind Willie Johnson, une de ces « personnes modestes qui prennent soin de tout ». Son récit se déroule aujourd’hui dans une forêt scindée par une rivière. Là, un homme part à la recherche du lieu où a été déposé le corps du bluesman afin de lui offrir une véritable sépulture et retrouver les identités des esclaves enterrés au même endroit. Il y a aussi l’enfant, devenu adulte et apiculteur, qui a enregistré un « bonjour » en français sur le disque. Lui veut sauver ses abeilles.

Dans ce spectacle, comme dans les précédents, la musique tient une place importante. « J’en ai besoin. Comme dans un opéra, il y a le livret et la partition. Je combine les mots et les notes ». Le titre de Blind Willie Johnson revient comme « un gimmick » et se mêle à aux compositions de Raphaël Chambouvet, inspirées des musiques du monde.

Infos pratiques