La crise sanitaire passée, c’est une autre tempête qui s’annonce sur le secteur culturel. En cause, la réduction des moyens alloués, des injonctions plus fortes et une hausse des coûts. « Comment faire plus avec moins ? ». C’est une des questions posée dans le texte de la pétition, N’éteignez pas les lumières sur le spectacle vivant, lancée par le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles. Le Syndéac veut alerter sur la fragilité des structures culturelles. Explication avec Valérie Baran, directrice du Tangram à Évreux et une des représentantes de l’organisation en Normandie.
Est-ce une nouvelle crise pour le secteur culturel ?
Cette pétition fait état d’une situation au niveau national. Pas celle du Tangram en particulier. Nous sommes fortement soutenus et avons reçu une aide exceptionnelle de 100 000 €. Cependant, quelques faits se sont produits presque sur l’ensemble du territoire. Beaucoup de Régions de France ont décidé de couper des subventions. Ce qui met nos maisons en difficulté. Comme toujours, le spectacle vivant est la variable d’ajustement. Nous l’avons souvent entendu. Nous ne sommes pas essentiels. Au-delà de cela, nous nous interrogeons sur la nature du service public. La pétition fait le constat que plusieurs services publics sont mis à mal. Comme l’éducation nationale, le milieu médical, la culture.
Le texte remonte vingt ans plus tôt.
Il y a eu en effet une succession d’événements qui font que nous sommes en crise permanente. Nous ne pouvons plus appeler cela une crise. Cela est dû à un assèchement des moyens. Au mieux, nous avons des financements stables, au pire, nous en perdons. Aujourd’hui, il faut prendre en compte l’inflation et l’évolution de la masse salariale. Tout cela rogne sur nos budgets et sur la partie artistique. Or, il y a des attentes, notamment en matière d’action culturelle.
Est-ce que l’inflation met davantage en lumière la fragilité du secteur ?
La crise énergétique frappe les structures culturelles. Nous sommes dans des bâtiments de très grande surface, qui ont été mal construits ou construits il y a très longtemps. Cela a un fort impact sur les dépenses. Pourtant, nous faisons tous des économies drastiques. Mais les années Covid ont abîmé les métiers. Nous avons dû annuler des spectacles et ce fut un crève-cœur. Des compagnies sont en déconventionnement à cause d’un recul des financements. Un certain nombre d’entre elles vont rester sur le carreau. C’est toute une offre artistique qui va disparaître. Nous constatons aussi une crise des vocations. Les salariés dans le monde culturel gagnent en moyenne 26 % de moins que dans les autres secteurs. C’est beaucoup. Il faut ajouter à cela les contraintes qui pèsent sur l’organisation familiale. C’est mille départs par trimestre. Nous rencontrons donc des difficultés à recruter. Nous sommes frappés par une crise économique et une crise sociale.
“Une politique claire et offensive”
Est-ce que l’activité culturelle sera réduite la saison prochaine ?
Évidemment, nous avons renoncé à plus de dix spectacles l’année prochaine au Tangram. Le début de la saison sera très, très léger. C’est un autre crève-cœur. Nous l’avons vu. Des salles ont fermé. En territoire rural, il n’y a parfois plus rien. Nous diminuons l’offre culturelle parce qu’il n’y a plus le choix. Pourtant, aujourd’hui, il y a plus que besoin de créer du lien, de se réunir, de partager des émotions, de se réinterroger. Nous sommes dans des endroits où nous réfléchissons sur la société. Les artistes mettent en poésie les problèmes de la société. C’est un appauvrissement de l’exercice démocratique. Aller faire de l’action culturelle sans proposer des spectacles, cela perd tout son sens.
Quelle est la responsabilité de l’État ?
L’État a une responsabilité parce qu’il est sensé impulser la politique culturelle nationale. Aujourd’hui, nous avons besoin de mesures pérennes. Il faut arrêter de coller des rustines. Le secteur culturel a besoin d’une politique claire et offensive. Le tissu culturel se délite. Il est difficile d’être dans une relation sereine avec les contributeurs. C’est peut-être cette idée de service public qui disparaît des esprits.
Quelles sont les attentes du Syndéac ?
Le Syndéac œuvre. Il est actif. Il y a des réunions de plusieurs syndicats avec le ministère, la poursuite des rendez-vous avec les parlementaires, les maires. Il faut expliquer encore toute l’importance du secteur culturel qui pèse beaucoup dans l’économie. Il est un employeur important. Le ministère de la Culture et les contributeurs doivent tenir la barre. La culture est ce qui fait la force d’un pays. Quand il n’y a plus d’espaces de culture, c’est un indicateur d’une vie démocratique en bonne santé qui disparaît. Il faut rester vigilants.