Christian Rizzo : « la mer opère comme un filtre contemplatif »

Photo : Marc Domage

Miramar, comme un rivage pour regarder vers un horizon lointain, se perdre dans ses pensées et s’offrir des instants de contemplation. Miramar, c’est le titre de la nouvelle pièce de Christian Rizzo, directeur du centre chorégraphique national de Montpellier Occitanie. Dans cette création, la danse, la musique et la lumière entrent dans un dialogue pour dessiner des mouvements qui donnent à voir un autre espace. Entretien avec le chorégraphe avant la représentation vendredi 31 mars au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray.

Le nom de Miramar sonne comme une invitation à découvrir un lieu. Avez-vous envisagé cette pièce de cette manière ?

Je l’ai envisagée sous plusieurs angles. C’est un nom que l’on retrouve beaucoup. Il est lié à la mer, au paysage, au bâti. Il y a de belles plages à Miramar au Portugal et au Pays Basque. Il y a aussi des hôtels luxueux et des constructions HLM qui, au mieux, regardent vers une autoroute et, au pire, vers rien du tout. Mais oui, il y a de cela.

Quel plaisir vous procure l’observation de la mer ?

C’est assez trouble. Il y a deux points de vue. Tout d’abord, regarder la mer est un réel plaisir. Parce que regarder la mer, c’est se regarder soi-même. La mer opère comme un filtre contemplatif qui plonge à l’intérieur de soi, dans des sensations intimes. Il y a un autre point de vue qui me touche davantage. J’aime observer les gens qui regardent la mer. Là, je me glisse dans leur regard. Comme lorsque l’on est devant un tableau de peinture, on fixe un personnage qui regarde un paysage et on est absorbé. Ce sont ces deux regards qui cohabitent. 

Se glisser dans le regard d’un autre, c’est aussi le principe d’un spectacle de théâtre et de danse.

Tout à fait, c’est exactement cela. C’est la continuité des regards.

Dans Miramar, est-ce les corps qui traduisent les pensées ?

Les corps sont à la fois acteurs du mouvement et témoins de ce mouvement et de la contemplation dans un seul et même mouvement. Ils participent à l’état de contemplation et de l’image qu’ils produisent. Il y a comme une mise en abîme entre l’acteur et le témoin. Tous sont dans la même perspective.

Vous avez souhaité mettre en dialogue la danse, la lumière et le son. Pourquoi ?

Cette pièce est composée de trois flux singuliers. Il y a le flux musical, le flux lumineux et le flux organique. Tous se retrouvent dans un flux commun. Nous savons faire circuler le son entre les enceintes. Mettre en mouvement la lumière est plus compliqué. J’ai alors fait robotiser des projecteurs afin de les chorégraphier. Cela permet de voiler ou de dévoiler la danse. J’ai enfin souhaité une chorégraphie organique. Tous ces éléments sont ainsi en dialogue. C’est ce qui m’importe.

Dans ces jeux de lumière, les interprètes apparaissent comme des créatures presque fantastiques. Était-ce votre volonté ?

Oui, tout cela est un appel à ce que je vois et ce que je ne vois pas. C’est beaucoup plus grand. Je m’intéresse beaucoup au rapport entre le réel et l’imaginaire. Une créature est un être qui porte son imaginaire. L’environnement que je crée fait que je plonge les corps dans un espace proche de la science-fiction ou d’une fiction d’anticipation.

Vous accentuez également les contrastes, notamment entre le clair et l’obscur.

Complètement. La pièce est construite sur la lumière et l’obscurité. L’enjeu est de demander aux danseurs de convoquer l’invisible, de donner de l’épaisseur au vide. Ce néant devient un espace de fluidité, un fil conducteur électrique et des énergies entre les différents protagonistes.

C’est aussi un travail pictural.

Je dirai davantage qu’il se situe entre le pictural et sculptural. Je travaille le corps et le corps dans la spatialisation. J’ai aussi un parcours de plasticien et je trouve une plasticité dans la danse. Elle offre cette capacité à être dans la troisième dimension et à concevoir une quatrième dimension. 

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