C’est le fabuleux récit d’un homme volubile qui vit entre théâtre et couture. Raoul Fernandez, né au Salvador, est venu en France pour entamer des études. Des rencontres le mèneront vers les coulisses et les scènes de théâtre pour devenir costumier et comédien. Le voilà seul en scène pour traverser cette vie si riche d’aventures racontée dans Portrait de Raoul, un texte de Philippe Minyana mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo, nouveau directeur du centre dramatique national Le Quai à Angers. Entretien avec deux représentations le 11 octobre au Rayon vert à Saint-Valery-en-Caux et le 13 octobre au Passage à Fécamp.
Quelle a été votre réaction lorsque Philippe Minyana vous a proposé d’écrire un portrait de vous ?
C’était exceptionnel pour moi. Un jour, Philippe me dit : je vais écrire un texte pour toi. Cela a pris un peu de temps. Un autre jour, il m’annonce : c’est le moment et je veux écrire sur toi. J’ai été très surpris. Nous nous sommes alors vus dans un café à Paris. Il m’a posé beaucoup de questions sur ma famille, ma mère, ma volonté de créer des costumes… Trois mois plus tard, j’ai eu le texte.
Qu’en avez-vous pensé ?
Philippe Minyana a su capter le sens de mon être. Il a compris le rapport à mes origines, mon attachement à ma mère, couturière, avec qui j’ai appris le métier. En fait, il est allé dans les profondeurs de mon être.
Est-ce facile pour vous de parler de votre parcours ?
Non, je suis très timide. Il est très rare que je parle de moi, de mes états d’âme. J’avais ce texte mais il était hors de question que je le joue. Sans rien me dire, Philippe l’a donné à Marcial Di Fonzo Bo. Un jour, il m’appelle pour dire qu’il allait le mettre en scène. Oui, très bien. Et il ajoute : je vais te mettre en scène. Je ne le croyais pas. Je suis parti avec Marcial dans le sud de la France, en pleine montagne, pas loin de Cannes, pour répéter. Pendant plusieurs jours, nous avons travaillé. Aujourd’hui, nous avons donné une centaine de représentations dans les théâtres, les lycées, les bibliothèques, une fois dans un centre pénitentiaire… Marcial m’a dit : tu vas voir, tu vas jouer cette pièce toute ta vie.
Que ressentez-vous quand vous remontez le fil de votre vie ?
Je vis en effet toute ma vie. Il y a de l’émotion parce que ce texte traverse tout mon être. Je reviens à ce moment où j’ai appris le français en apprenant tout Molière par cœur, à mes rencontres avec Noureev qui était mon patron à l’Opéra Garnier à Paris. J’aimais sa manière d’être et de faire. Avec lui, tout devait être parfait. Je reviens à Copi que j’ai habillé. Je parle de tous ces gens qui ne sont plus là. Avec cette pièce, je les fais revenir sur un plateau. Là, il y a évidemment beaucoup d’émotion qu’il faut contrôler.
Vous étiez un personnage dans l’ombre. Comment vous sentez-vous sur une scène ?
Être sur scène me donne de l’énergie. J’aime beaucoup le rapport avec le public. Avant de jouer, j’ai toujours de l’appréhension mais j’arrive à la maîtriser. C’est un trac qui me donne de l’élan. Moi qui suis timide, mon objectif n’a jamais été de monter sur scène. Une fois, je travaillais pour Stanislas Nordey. J’ai dû traverser le plateau pour apporter une robe rouge. Stanislas me dit : on dirait que tu as été sur un plateau durant toute vie. À quoi penses-tu ? À rien, lui ai-je répondu, je ne pense à rien, je viens juste t’apporter une robe. Comme il a considéré que j’avais une certaine aisance, il m’a demandé de dire un bout de texte. Et j’y ai pris goût.
Comment est venue cette passion pour la couture ?
Je me rappelle : tout petit, je jouais avec mes petite voitures et je regardais ma mère couper ses bouts de tissus, les assembler, les teindre… Elle travaillait beaucoup. Je voyais aussi des dames venir à la maison pour essayer leur tenue. J’ai appris juste en la regardant. Quand j’ai dû travailler pour payer mes études et ma chambre, j’ai répondu à une annonce de l’Opéra de Paris qui cherchait un couturier. J’étais sûr de moi de savoir faire tel point, une broderie, des incrustations… Et j’ai été pris tout de suite.
Pendant cette tournée, avez-vous toujours le temps de coudre ?
Oui, je fais toujours des costumes. En fait, j’alterne. Quand je fais le couturier, mon cerveau ne travaille pas. Ce sont mes mains. Et ça me calme.
Infos pratiques
- Mercredi 11 octobre à 20 heures au Rayon vert à Saint-Valery-en-Caux. Tarifs : de 19 à 10 €. Réservation au 02 35 97 25 41 ou sur www.lrv-saintvaleryencaux.com
- Vendredi 13 octobre à 20h30 au Passage à Fécamp. Tarifs : 10 €, 8 €. Réservation au 02 35 29 22 81 ou sur www.theatrelepassage.fr
- Durée : 1 heure