L’Oiseau de Prométhée est une tragi-comédie moderne et politique pour raconter les déséquilibres du monde. La Grèce, mythologique et contemporaine, en est l’exemple dans ce spectacle réussi des Anges au plafond qui se joue du 14 au 18 novembre, à l’espace Marc-Sangnier à Mont-Saint-Aignan avec le CDN de Normandie-Rouen.
Ils ne se sont pas vus depuis quinze ans. Pendant tout ce temps, la vie a apporté son lot de joie et de douleurs. Vassiliki, Annie, Paul et Julio se retrouvent pour un dîner à la terrasse d’une brasserie sur une place d’Athènes. Quelques convives sont attablés près d’eux. L’amitié a soudé le groupe — il y a eu de l’amour aussi — mais une histoire d’argent a brisé la confiance et les a séparés. Annie est rentrée en France, Paul en Allemagne et Julio en Espagne. Vassiliki est restée là, seule, en Grèce en pleine crise économique et financière.
La hausse des taxes, la baisse des salaires des fonctionnaires, des pensions des retraités et des aides sociales… « Vous ne pouvez pas comprendre », leur répète Vassiliki. Et la mort d’Alexis Grigoropoulos, un adolescent de 15 ans, abattu par un policier le 6 décembre 2008 ? « Comment avez-vous pu oublier ? », s’interroge-t-elle. Lors de ce repas de retrouvailles, a priori joyeux, chacun vide son sac.
Deux Grèce
C’est le début de L’Oiseau de Prométhée, la nouvelle création des Anges au plafond, présentée du 14 au 18 novembre à l’espace Marc-Sangnier à Mont-Saint-Aignan. Camille Trouvé et Brice Berthoud, qui partagent la direction du CDN de Normandie-Rouen, mettent en miroir une Grèce contemporaine et une Grèce mythologique pour évoquer un récurrent déséquilibre du partage des richesses au fil du temps.
Dans cette Grèce d’aujourd’hui, en plein marasme économique, la population est prise dans l’étau des mesures drastiques qui ne cessent de se resserrer. Des siècles auparavant, dans la Grèce antique, les êtres humains se font chasser de la plaine de l’abondance après le banquet sacré. Dans ces deux épisodes s’est joué un jeu de dupes. Peu importe les règles. L’issue ? Elle est connue à l’avance. Les puissants se gavent, les autres se répartissent les miettes et se sacrifient.
Burlesque
Du théâtre, de la vidéo, de la musique, de la magie, de la marionnette… Les Anges au plafond se posent à nouveau à la croisée des disciplines artistiques pour créer de magnifiques tableaux et se mettre au service d’une narration fluide. Les quatre comédiennes et comédiens, Rhiannon Morgan, Victoire Goupil, Souleymane Sylla et Achille Sauloup, tous excellents, sont dans un présent et se débattent avec leurs sentiments, leur désespoir et leur colère.
Les marionnettes se chargent des épisodes passés. La fameuse Troïka, représentée par Angela Merkel, chancelière d’Allemagne, Christine Lagarde, présidente du FMI, et Aléxis Tsípras, Premier ministre de la Grèce, rejouent les négociations des plans d’austérité dans des scènes burlesques et délirantes. La première, toujours inflexible, et la seconde, ridicule, sont face à un homme épuisé qui va jusqu’à perdre la tête et ses bras.
Ces politiques sont bien petits à côté des dieux, des géants très impressionnants. Zeus, avec sa couronne de feu posée sur sa tête d’oiseau, s’impose et hurle sa colère face à un Prométhée magistral qui a osé le tromper et lui voler le feu. Dionysos, dans son habit de couleurs, brave la colère et se permet de parler d’alternative et d’utopie. Des paroles qui ne seront jamais entendues.
Les trois Parques, manipulées par Christelle Ferreira, restent les spectatrices de ce cours désolant du monde, se mêlent avec humour de ce qui ne les regarde pas, jettent quelques remarques bien senties et cuisinent des plats grecs. Quant à l’oiseau, aux allures de vautour, il raconte et se tient prêt à se jeter sur la moindre proie. Notamment sur le funambule, Olivier Roustan, symbole de la Grèce, qui va et vient sur ce fil, parfois vacille mais ne tombe pas.
Infos pratiques
- Mardi 14, mercredi 15, jeudi 16 novembre à 20 heures, samedi 18 novembre à 18 heures à l’espace Marc-Sangnier à Mont-Saint-Aignan. Spectacle accessible en audiodescription et adapté en langue des signes le samedi 18 novembre. Tarifs : 20 €, 15 €. Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr Aller au spectacle en transport en commun avec le réseau Astuce
- Mercredi 3 et jeudi 4 avril à 20 heures au théâtre d’Hérouville. Tarifs : de 25 à 8 €. Réservation au 02 31 46 27 29 ou sur www.comediedecaen.com
- Durée : 1h45