Le thème n’est pas joyeux : les absents. Il s’est imposé à Arman Méliès. Dans cet album, Obake, ces absents sont très présents. La réalité se mêle aux rêves et aux espérances. Et la lumière vient percer les ombres. Il y a de subtils contrastes dans ce disque ambitieux, envoûtant, incandescent, magnétique. Toujours avec la même élégance, Arman Méliès joue avec les codes de la chanson et les textures sonores électroniques. Il est en concert vendredi 4 octobre au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen. Entretien.
Obake est sorti à l’automne 2023, il y a un an. Est-ce que la composition de cet album vous a fait du bien ?
Oui, il me tenait à cœur. Je suis content du disque et heureux d’avoir pu, au-delà du contenu, le faire alors qu’il est à contrecourant. Ce fut long et compliqué. Je suis content aussi de sa vie sur scène. Je suis seul et je revisite les chansons de manières différentes. Aujourd’hui, j’ai envie de revenir à quelque chose de plus accessible, à mes fondamentaux.
Est-ce que « le chagrin jamais ne s’éteint », comme vous le chantez ?
L’album traite du deuil. Ce que je voulais dire, le manque sera toujours là. Les présences sont toujours là. Elles sont parfois douloureuses. Mais elles peuvent être un accompagnement. C’est quelque chose de positif. Et tout cela, il faut l’accepter. Il faut accepter que ces personnes ne soient plus là. On a bénéficié de leur amour, de leur expérience. Leur accompagnement ne pourra jamais s’effacer. Cela peut être parfois un soutien.
Pourquoi dites-vous que cet album a été compliqué ?
Ce n’est pas tant dans la composition mais davantage dans la réalisation. Les compositions sont venues facilement. Dans ce disque, il y a beaucoup d’arrangements, beaucoup d’instruments. Il a fallu agencer ces espaces sonores foisonnants pour garder une logique et une musicalité. Ce fut une gageure technique d’agencer ces morceaux. Même jusqu’au mixage, ce ne fut pas simple.
Il y a un vrai cheminement dans cet album. L’aviez-vous conçu de cette manière ?
En partie. On se donne toujours des idées de départ. Après, on se laisse entrainer par l’inspiration et, sur ce chemin-là, on peut aussi faire des demi-tours. C’est toujours beaucoup de surprises. J’avais néanmoins l’idée d’un fil rouge, les Obake. Les Japonais ont tout un bestiaire avec ces fantômes qui sont drôles, maléfiques, bienveillants… Un tel titre suppose une mélancolie, une contemplation et une énergie.
Est-ce que chaque titre a été une étape vers un apaisement ?
Quand on décide d’écrire un tel disque, le travail est fait en amont. Je ne conçois pas les disques comme une thérapie mais comme un constat. Après plusieurs années, il a fallu accepter l’absence de personnes chères. Quand on se sent mieux, on peut faire le bilan de tout cela. Cet album grave une étape de ma vie.
Vous avez composé pour le théâtre. Est-ce que ce travail a influencé la composition de cet album ?
Oui, le fait de travailler pour le théâtre m’a obligé à travailler sur des formats différents avec des morceaux courts et longs. J’avais surtout en tête cette idée de temps et de paysage. Au théâtre, la narration passe par les acteurs et le récit. La musique, elle, ne peut pas être narrative. Sinon, il y a un conflit avec ce que jouent les comédiens. Trop de voix s’entremêlent. Il faut alors réussir à s’effacer, être en arrière-plan pour créer des atmosphères, des suggestions, des états. Mais surtout ne pas raconter. Cela a influencé l’écriture de l’album. J’ai pris beaucoup de plaisir à composer de la musique de manière moins narrative.
Vous avez éclaté le format de la chanson.
Oui, j’ai joué avec les codes de la chanson tels qu’il sont établis avec les couplets, les refrains, les ponts… Je ne voulais pas non plus tomber dans quelque chose d’hermétique qui laisse l’auditeur à la porte.
Pourquoi la musique électronique a-t-elle été évidente pour ce projet ?
Cela aurait pu passer par d’autres arrangements et d’autres instruments mais elle me paraissait naturelle. Je l’ai d’ailleurs beaucoup utilisée au théâtre. Oui, elle me paraissait la voix naturelle pour habiller ces chansons. Il y a eu un vrai travail sur les textures sonores. Le son est devenu une matière à part entière pour créer ces climats ésotériques, abstraits, poétiques et évocateurs. J’y ai pris beaucoup de plaisir pour que la vie advienne de cette patte sonore. Et c’est infini en terme de timbre, de texture, de couleur… Pour moi, c’était de l’ordre de la cuisine.
Vous faites un parallèle avec la cuisine. Ce peut être aussi avec la peinture.
Oui, il y a un peu d’impressionnisme. Dans cet album, il n’y a pas d’histoire, pas de récit, juste des impressions, des sortes de paysages.
Vous vous êtes accordé également plus de liberté dans le chant.
Dans la mesure où la musique est foisonnante, je voulais que le chant soit plus en retrait. Sur l’album, les voix sont plus minimalistes et travaillées comme une matière sonore avec beaucoup d’effets. C’est assez cohérent avec l’idée des fantômes. Je ramène par ailleurs d’autres présences qui peuvent être au premier plan alors que je m’efface.
Infos pratiques
- Vendredi 4 octobre à 20h30 au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen
- Première partie : Von B.
- Tarifs : de 22 à 11 €
- Réservation au 02 35 73 95 15 ou sur www.trianontransatlantique.com
- Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce
- Des places sont à gagner