Réinventer le monde avec la « Jeune Création »

Evan Schoepflin porte un regard sur la société de consommation / photo : Litote

L’exposition Jeune Création à la Maison des Arts Solange-Baudoux à Évreux offre jusqu’au 28 décembre une plongée dans l’univers de neuf artistes émergents, tous diplômés de l’EsadHar (école supérieure d’art et design de Rouen-Le Havre) et de l’Esam (école supérieure d’arts et médias de Caen-Cherbourg). Cette génération d’artistes, en grande partie lauréats des résidences d’artistes de la Villa Caldéron de Louviers, propose un regard multiple sur le monde actuel, oscillant entre questionnements écologiques, sociétaux et introspectifs.

Chaque œuvre, en dialogue avec les autres, tisse un réseau de réflexions qui transcendent les médiums utilisés, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture, de photographie ou d’installation. Au-delà des singularités de chaque démarche artistique, c’est cette volonté partagée de repenser les formes et les idées qui donne à l’exposition une cohérence puissante, où la création devient un moyen de transformer et de sublimer le chaos du monde moderne.

La frontière floue de l’existence

Émilie Gaid, avec sa vision de l’interaction entre matière et conscience, propose un univers où s’efface la distinction entre vivant et non-vivant. Chaque particule, atome ou objet est doté d’une forme de vie, contribuant à une vision poétique de la matière, que l’artiste relie à une quête de coexistence harmonieuse entre humains et non-humains. Ce concept trouve un écho dans la recherche sensible et technique de Baptiste Leroux, qui explore le croisement entre nature et technologie. Ses œuvres, inspirées par la migration des plantes et les résonances matérielles, créent un dialogue entre le vivant et l’artificiel, mettant en lumière la place de la technologie dans notre rapport au monde.

Le monde d’Émilie Gaid mêle vivant et non-vivant / photo : Litote

Au carrefour des réflexions de Baptiste Leroux : la nature et la technologie / photo : Litote

Se découvrir à travers l’autre

Jeanne Cattant et Sonia Mateus Martins s’intéressent, quant à elles, à l’intimité et à la rencontre avec soi-même à travers l’autre. Jeanne Cattant, par ses compositions mêlant peinture, tissage et céramique, raconte des histoires personnelles ancrées dans l’instant, dans le geste esquissé, fragile mais évocateur. Sonia Mateus Martins, à travers ses œuvres plurielles, explore ses propres origines portugaises et celles de sa famille, interrogeant la mémoire collective et individuelle, le lien entre histoire personnelle et universel.

L’œuvre de Jeanne Cattant est intime / photo : Litote

Les mémoires nourrissent le travail de Sonia Mateus Martins / photo : Litote

La beauté du monde à l’épreuve des tensions écologiques

Emma Genty et Tom Nadam abordent chacun à leur manière les paysages naturels et les bouleversements qui les traversent. Emma Genty, avec ses œuvres Estom et Archives de Trop Beau, propose une réflexion sur la beauté de la nature et la richesse des détails qui la composent. Sa pratique, à mi-chemin entre peinture monumentale et installation, invite à redécouvrir les paysages à travers ses yeux d’artiste. Tom Nadam, pour sa part, présente des peintures où la nature, violentée par les feux de forêt et autres catastrophes écologiques, prend une dimension presque apocalyptique. Ses paysages désertiques et ses formes spectrales évoquent à la fois la destruction et l’espoir, dans une tension palpable.

Emma Genty s’interroge sur la beauté de la nature / photo : Litote

Tom Nadam montre les souffrances de la nature / photo : Litote

Violence sociétale et chaos créatif

Mélissa Merinos et Evan Schoepflin apportent une dimension plus radicale à l’exposition. Mélissa Merinos, à travers la photographie et le texte, dénonce les violences sociétales, notamment celles subies par les individus marginalisés. Son travail dans les centres de rétention administrative met en lumière les réalités d’un monde qui discipline, enferme et contrôle. Evan Schoepflin, quant à lui, puise son inspiration dans les univers alternatifs punk et libertaires. Son esthétique du chaos, où se mêlent matériaux récupérés et installations immersives, est une réponse à la société de consommation, une manière de réinventer l’espace par le désordre et le recyclage.

Les violences sont le sujet de Mélissa Mérinos / photo : Litote

L’accumulation comme mode d’expression

Enfin, Semilu, avec ses accumulations graphiques et matérielles, électrise les liens entre les objets, les êtres et le monde. Autodidacte, son travail est foisonnant et se déploie dans une variété de médiums, du tufting à la céramique, en passant par la fresque. Elle propose de redécouvrir la beauté du quotidien à travers son regard multiple et coloré, créant une esthétique du trop-plein, où chaque détail compte.

photo : Litote

En filigrane, ces jeunes artistes semblent interroger la transformation du monde, des êtres et des choses. Chacun, à sa manière, propose une réinvention des matériaux, des idées et des liens, invitant à interroger sur notre place dans un univers en perpétuelle mutation, où le sensible et le rationnel, l’individuel et le collectif, se rencontrent et se transforment. Une exposition qui laisse la part belle à l’introspection…

Infos pratiques

  • Jusqu’au 28 décembre, du mardi au samedi de 10 heures à 12h30 et de 14 heures à 18 heures à la Maison des Arts Solange-Baudoux à Évreux
  • Entrée libre et gratuite
  • Renseignements au 02 32 78 85 40 ou en ligne