Lubiana a souhaité revenir à ses racines africaines dans ce deuxième album, sorti le 25 octobre 2024. À travers les dix titres, nourris de plusieurs voyages, Terre rouge célèbre un continent, avec ses habitants et ses habitantes, une histoire, une nature, la famille. Belge et camerounaise, cette joueuse de kora, au timbre cristallin, teinte une pop lumineuse de sonorités folk et soul. Lubiana sera en concert mardi 5 novembre au centre culturel Simone-Signoret à Amfreville-la-Mivoie dans le cadre du festival Chants d’Elles. Entretien.
Vous, enfant, apparaissez sur la pochette de l’album, Terre rouge. Est-ce un de vos premiers souvenirs en Afrique ?
La photo a été prise par mon père lors de mon deuxième voyage au Cameroun. Je suis devant la case de nos ancêtres. Ce voyage m’a beaucoup marquée. C’est en effet un de mes premiers souvenirs d’Afrique. Il est très doux. J’ai 2 ans et demi et je suis fascinée par la couleur de cette terre.
Que représente cette terre ?
C’est l’amour. Oui, c’est une terre remplie d’amour et d’espoir. Elle est inspirante. Pendant dix ans, j’ai fait une coupure avec cet endroit. Je n’ai pas eu de contact avec cette partie de la famille. Là-bas, je me sentais étrangère. D’ailleurs, on m’appelle La Blanche. J’y suis revenue. Maintenant, quand je vais là-bas, je suis heureuse. Quand je pars, je suis triste. À force de passer du temps en Afrique, j’ai eu envie de revenir aux racines.
À quel moment avez-vous eu envie d’apprendre à jouer de la kora ?
Une nuit, j’ai rêvé que je jouais de la kora. Cet instrument a ensuite été un coup de foudre. Je ne la connaissais pas du tout. Un jour, j’étais à Majorque et je voyais au loin un homme jouer d’un instrument. J’ai été enchantée par le son. Je me suis approchée et j’ai écouté ce musicien. La kora est un instrument réservé aux hommes, aux griots. J’ai eu la chance d’être invitée par Toumani Diabaté qui m’a dit : si tu as rêvé de la kora, c’est qu’elle t’a choisie. J’ai eu ensuite la bénédiction des griots.
Comment définissez-vous le son de la kora ?
La kora, c’est le son de l’âme. Elle fait vibrer. Elle a une fréquence qui m’émeut. Pour apprendre à en jouer, il faut travailler mais cela se fait dans la joie et avec beaucoup d’envie. C’est un bonheur de l’apprendre. J’ai composé la plupart des titres de cet album à la kora.
Dans cet album, pourquoi chantez vous : « j’ai voyagé car je voulais être heureuse » ?
Je voulais être libre surtout. C’est une quête de la vérité. Même si cette vérité, elle est déjà en nous. Parfois, il faut partir ailleurs pour nourrir son intérieur et découvrir que tout est déjà là. Quand on est un enfant métissé, on cherche son identité. Il y a un sentiment de non-appartenance. Cependant, c’est un beau cadeau des parents.
La musique et les voyages vous permettent ainsi de vous trouver et d’exister, comme vous dites ?
Oui parce que j’avais de vrais questionnements. J’ai ressenti le besoin de voyager pour partager ma musique.
Et « vivre sans bagage » ?
C’est une façon de parler des a priori. Quand on va à la rencontre des autres, il faut y aller sans a priori pour pouvoir s’ouvrir à ces personnes. Lorsque je suis dans ma famille au Cameroun, j’apprends les savoirs, les rituels, tout ce qui n’est pas présent dans ma famille en Belgique. En fait, ce qui nous lie, c’est avant tout l’amour.
Dans Terre rouge, vous faites de la nature un bien sacré
J’avais besoin de ce retour aux sources, de me reconnecter à la nature. C’est tellement précieux.
Vous célébrez également les femmes africaines.
Oui, je célèbre les femmes noires, africaines. J’ai rarement vu des représentations de ces femmes avec des messages d’espoir et de lumière. Les images sont le plus souvent liées à de la violence ou la pauvreté. J’ai grandi avec ces femmes, dont ma grand-mère, qui ont tellement d’amour et de résilience et qui se tuent à la tâche. Leur place est tellement minimisée.
Vous le faites avec Gaël Faye dans ce titre Farafina Mousso.
Nous avons souhaité montrer une autre vision de l’Afrique, une vision pleine d’espoir et d’amour. Nous n’oublions pas cette partie de nous. Quand j’ai écrit ce titre, Farafina Mousso, j’ai tout de suite pensé à lui. Les femmes sont aussi très présentes dans ses textes. Nous sommes animés des mêmes choses. Je me retrouve en lui. C’est un grand frère de cœur, très bienveillant et inspirant. Je suis très touchée qu’il ait accepté de venir chanter sur ce titre. Il m’a invité chez lui et m’a fait découvrir son pays. Il m’a montré où il avait écrit son roman, Jacaranda. C’est une vraie rencontre.
Infos pratiques
- Mardi 5 novembre à 20h30 au centre culturel Simone-Signoret à Amfreville-la-Mivoie
- Première partie : Noir Montagne
- Tarifs : 12 €, 10 €
- Réservation en ligne
- Aller au spectacle en transport en commun avec le réseau Astuce