David Gauchard : « nous nous sommes concentrés sur le couple de MacBeth et Lady MacBeth »

Photo : Gildas Raffanel, Dan Ramaen, Benjamin Le Bellec

Les trois sorcières l’ont prédit. MacBeth, général victorieux de la guerre entre l’Écosse et la Norvège, deviendra roi. Avec son épouse, Lady MacBeth, il forme un couple, sans enfant, mais surtout ambitieux, qui n’hésitera pas à assassiner le roi Duncan pour accéder au trône. Leur soif de pouvoir emmènera ces deux personnages dans une spirale meurtrière infernale. Avec MacBeth, David Gauchard, fondateur de la compagnie L’Unijambiste, revient aux écrits de Shakespeare après Hamlet, Richard III et Le Songe d’une nuit d’été. Il signe là une mise en scène musicale et confie le rôle des époux MacBeth au rappeur ARM et à la comédienne et chanteuse Marina Keltchewsky. La pièce est jouée jeudi 9 et vendredi 10 janvier au théâtre Legendre à Évreux avec Le Tangram. Entretien avec David Gauchard.

Vous avez mis en scène Hamlet, Richard III, Le Songe d’une nuit d’été, et, cette saison, MacBeth. Y a-t-il une suite logique ?

Non, il n’y a pas une suite logique. Il y a quand même un lien fort : mon rapport à Shakespeare, à cette langue et au traducteur, André Markowicz, qui est un partenaire de longue date et un auteur vivant avec lequel je discute depuis plus de vingt ans. J’ai monté Hamlet en 2004. Après, je voulais travailler déjà sur MacBeth. André m’avait dit : c’est trop tôt, nous ne sommes pas prêts. Nous avons ensuite choisi Richard III, Le Songe d’une nuit d’été. Puis, il y a eu un trou de douze ans.

Est-ce que Shakespeare vous a manqué ?

Oui et non. Non parce que j’ai mené plusieurs expériences. Je suis allé chercher d’autres écritures. Oui, Shakespeare m’a manqué parce que j’ai éprouvé le besoin d’un retour à un théâtre épique, classique.

Pourquoi André Markowicz considérait que vous n’étiez pas prêts à monter MacBeth ?

Je me suis beaucoup posé la question. Nous n’étions pas prêts à trouver la profondeur de cette pièce dite maudite. Il y a une malédiction. Comme on peut constater une certaine maladresse dans l’écriture, beaucoup d’interprétations sont possibles. Il faut donc beaucoup de maturité et de recul.

Où sont les imperfections dans l’écriture ?

Quand on a écrit Hamlet qui est un chef-d’œuvre de dramaturgie, il est difficile de faire aussi bien. Brel disait : que voulez-vous que j’écrive avec Ne me quitte pas. Shakespeare avait certes des contraintes d’écriture mais il a écrit des choses qui ne sont pas forcément claires dans MacBeth. Comme l’infertilité du couple, MacBeth et Lady MacBeth. Pourquoi n’ont-ils pas d’enfant ? Alors que l’héritage est un enjeu dans cette pièce. C’est donc très excitant de tirer un fil et de découvrir ce qu’il y a dans ce texte.

Que vouliez-vous faire découvrir ?

Nous nous sommes concentrés sur le couple de MacBeth et Lady MacBeth dans cette adaptation avec six interprètes. Il y a aussi ce choix de mettre en avant la poésie de la pièce. J’ai enlevé quelques parties du texte pour ajouter des sonnets. J’ai demandé à ARM d’être MacBeth. Il a le sens du verbe, de la diction. Il sait placer son flow et le jeu peut ainsi être frontal, face au public. Dans cette configuration, celui-ci peut être happé par cette langue, savante, qui n’est pas la nôtre. C’est un vrai parti pris qui permet d’aspirer, d’embarquer les spectateurs.

Vous avez aussi choisi une comédienne et chanteuse, Marina Keltchewsky, pour jouer Lady MacBeth.

Tout le spectacle est dans le chant et la musique, composée par ARM. Il y a un super rythme dans la pièce avec ces vers en pentamètre ïambique. La compagnie a cette expérience de théâtre. Ce qui permet d’être réchauffé et rassuré tout en allant au théâtre pour entendre un texte classique. La musique enlève toutes les tensions. Néanmoins, nous ne sommes pas dans du théâtre musical. Même s’il y a des parties complètement chantées.

Comment définissez-vous ce couple formé par MacBeth et Lady MacBeth ?

C’est un couple ambitieux qui trouve une opportunité de rafler la couronne et qui s’embarque dans un meurtre précipité. Le sang va appeler le sang jusqu’à la folie. Tous les deux vont se perdre là-dedans. Ils vont subir les événements parce qu’ils n’étaient pas prêts. Les sorcières avaient en effet prédit que MacBeth serait roi mais pas longtemps. C’est devenu, pour ce couple qui ne peut pas avoir d’enfant, une ambition dévorante.

Infos pratiques

  • Jeudi 9 et vendredi 10 janvier à 20 heures au théâtre Legendre à Évreux
  • Rencontre avec les artistes à l’issue de la représentation du jeudi 9 janvier
  • Durée : 1h40
  • Tarifs : de 20 à 10 €
  • Réservation au 02 32 29 63 32 ou sur www.letangram.com