Le récit est tranchant. Les Bouchères sont trois femmes, un couteau bien aiguisé entre les mains, prêtes à en découdre avec les hommes violents. Sophie Demange signe un premier roman qu’elle présente jeudi 23 janvier à L’Armitière à Rouen et vendredi 24 janvier à librairie Autres Rivages à Buchy pendant Lire en hiver, festival de Normandie Livre & lecture.
Les violences faites aux femmes, elle connaît. Dans son parcours professionnel au sein d’organisations humanitaires ou dans le secteur médico-social, Sophie Demange a entendu, et entend encore, de nombreux récits glaçants, a vu, et voit encore, la détresse, la souffrance et la peur. « Plein de voix résonnent toujours. Je croise tous les jours des femmes qui ont subi des violences. Pendant ces années, j’ai récolté de multiples témoignages. Malheureusement, je n’ai rien inventé. C’est la réalité ».
Une réalité qui se mêle à la fiction dans Les Bouchères (L’Iconoclaste), le premier roman de Sophie Demange, publié le 23 janvier 2025. Pourquoi le monde de la boucherie surtout occupé par des hommes ? « Le corps des femmes est parfois considéré comme un bout de viande. Par ailleurs, peu de femmes se forment dans ce domaine. Il y a la revendication d’une classe. J’ai voulu ajouter une dimension de construction et de résilience ».
Deux caractères forts
Les Bouchères, c’est tout d’abord Anne, fille d’un boucher installé dans un quartier bourgeois de Rouen. Elle a la tête sur les épaules et un sacré caractère. Il y a aussi Stacey, une jeune femme un peu paumée. Leur point commun : l’humour, leur soif d’indépendance, leur force et leur adolescence chaotique. Anne et Stacey vont se rencontrer pour la première fois lors de leur formation en CAP boucherie. Seules dans un groupe de mecs, pour la plupart, méprisants et bien lourdingues, elles s’épaulent pour surmonter les humiliations et les gestes déplacés.
Le diplôme en poche, elles mènent un temps leur vie de manière plus ou moins joyeuse. Quand son père disparaît, Anne appelle Stacey et lui propose de venir travailler avec elle dans la boucherie familiale. Pas question d’ouvrir un commerce traditionnel. Les deux jeunes femmes veulent innover, élargir la clientèle, avoir une boutique qui leur ressemble. Les jeunes bouchères ne feront pas l’unanimité dans le quartier. Alors on parle, on médit, on s’interroge et davantage encore lorsque Anne et Stacey recrutent Michèle, une femme noire.
Des justicières
Un soir, Stacey commet un crime dans la boucherie. Elle poignarde avec un couteau de boucherie son ex-amoureux violent alors qu’il tente de se jeter sur elle. Les trois femmes complices et solidaires n’ont aucun scrupule et remord à faire disparaître le corps. C’est le premier meurtre. Il y en aura d’autres. Après d’étranges disparitions, les habitants du quartier, si calme, s’inquiètent et la police enquête. Anne, Stacey et Michèle se font justicières. Elles éliminent ceux qui ont laissé une blessure vive dans leur corps. Et elles le font avec un certain art, comme n’importe quel vulgaire morceau de viande. Sophie Demange décrit en effet avec une étonnante précision et un plaisir non dissimulé les gestes de découpe des bouchères.
Les trois personnages féminins, tous des victimes, deviennent vite attachants. Ce roman policier, qui emmène dans les rues de Rouen et dans la campagne aux alentours, se dévore jusqu’à la dernière page. L’audace d’Anne, Stacey et Michèle est stimulant. Leur humour et leur complicité, réjouissants. Pas une ne fera un faux pas. Pour Sophie Demange, « il n’était pas possible que l’histoire se termine mal pour elles. Ce n’est pas une question de morale parce qu’il y a une injustice dans les faits de violence faite aux femmes ».
Infos pratiques
- Jeudi 23 janvier à 18 heures à l’Armitière à Rouen. Gratuit. Inscription en ligne
- Vendredi 24 janvier à 18h30 à la librairie Autres Rivages à Buchy. Gratuit