L’espoir d’une vie nouvelle

La police n’est pas tendre avec Amina alias Aya (Fatma Sfar) / Photo : Cinétéléfilms, Dolce Vita Films, Dorje Film

Aïcha signifie vivante en arabe et ce prénom donne un sens particulier au film de Mehdi M. Barsaoui dont l’héroïne tente de devenir vivante. C’est à voir dans les salles de cinéma mercredi 19 mars.

Mehdi M. Barsaoui s’est distingué dès son premier long-métrage, Un Fils, permettant à Sami Bouajila de remporter le prix du Meilleur Acteur au 76e Festival international de Venise, récompense confirmée par un César du Meilleur Acteur en 2021. Pour son second-métrage, Aïcha, le réalisateur tunisien a fait confiance à une jeune comédienne encore méconnue. Fatma Sfar devient son Aya, la vingtaine, qui vit encore encore chez ses parents dans le sud de la Tunisie. Il ne faut pas longtemps au spectateur pour comprendre que la jeune femme se sent prisonnière d’une existence sans perspective entre un emploi dans un hôtel, un amant marié et un futur mari non désiré…

« Aya est comme éteinte, comme beaucoup de jeunes Tunisiens de ma génération, commente Mehdi M. Barsaoui en présentant son film au Festival de Sarlat. La révolution de 2011 — je n’aime pas l’expression Printemps arabe — a suscité beaucoup de rêves et malheureusement, on a vite déchanté. On s’est éteint petit à petit avec l’arrivée des Islamistes. 2015 a été une année terrible pour vous mais pour nous aussi : on a essuyé pas mal d’attentats terroristes de Daech. Aïcha raconte les espoirs d’une génération qui aspire à vivre. »

Un beau portrait de femme

De fait, on découvre l’héroïne de Aïcha à un tournant de sa vie. Le minibus, qui la mène chaque jour à son travail, s’écrase dans une zone désertique. Seule survivante de l’accident, Aya y voit la possibilité de commencer d’une vie nouvelle à Tunis sous une nouvelle identité… Pour s’émanciper, elle doit se transformer. Désormais, elle s’appellera Amina. 

Pour rendre crédible la fiction, le réalisateur rappelle le scandale qui a éclaté en 2011. « À la suite des premières élections post Ben Ali, quand le parti islamiste a remporté les élections haut la main, on s’est rendu compte que beaucoup de morts avaient voté. À l’époque, certaines personnes étaient toujours déclarées vivantes au ministère de l’Intérieur alors qu’elles étaient décédées. » Une manière de dénoncer le fait que les mises à jour ne sont pas toujours faites en temps voulu.     

Les obstacles que surmontent Amina — l’autorité parentale, rapport de soumission, misogynie, sexisme, corruption, oppression de la police – nous tiennent en haleine pendant plus de deux heures. Et ce beau portrait de femme, solide, moderne, peut donner de l’espoir à la jeunesse désirant s’affranchir de tout ce qui les emprisonne.