La vie fragile des exilés

Pendant que les amis iraniens s’amusent au rez-de-chaussée, Leila (Hamideh Jafari) vit un drame / Photo Alpha Violet

La portée universelle d’Au pays de nos frères de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi, film sur la condition des exilés afghans en Iran, nous amène à réfléchir sur la manière dont on accueille les réfugiés. Le long métrage est à voir dans les salles de cinéma mercredi 2 avril.

À travers trois histoires qui se rejoignent, Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi portent un regard sur la condition des réfugiés qui ont quitté l’Afghanistan pour rejoindre en Iran, leurs compatriotes ayant fui l’armée russe, le régime des Talibans ou l’armée américaine… Sur trois décennies, trois lieux, trois saisons, ils filment la vie fragile des membres d’une famille d’Afghans dans Au pays de leurs frères

Le premier des trois chapitres s’ouvre en hiver 2001 et suit Mohammad (Mohammad Hosseini), jeune lycéen, qui partage sa vie entre les cours et la récolte des tomates. Son histoire serait presque celle de beaucoup d’Iraniens si les militaires ne profitaient pas de son statut de migrants pour le réquisitionner et l’exploiter. Quelques scènes suffisent à montrer que les Afghans sont des citoyens de seconde zone et qu’ils n’ont pas intérêt à se rebeller malgré l’injustice flagrante. La violence de ce constat est d’autant plus choquante que Mohammad est doux, intelligent et réservé.

Des acteurs amateurs

Leïla (Hamideh Jafari) est l’héroïne du second chapitre qui se déroule au printemps 2011, au bord de la mer Caspienne, dans la résidence secondaire d’un couple iranien aisé qui vient fêter le nouvel an persan avec des amis. Bouleversant, le récit de cette mère de famille isolée tend à montrer l’indifférence de la société iranienne face à la situation des Afghans craignant à tout moment d’être renvoyés chez eux. Les réalisateurs évitent tout manichéisme. Ici, la famille pour laquelle travaille Leïla ne manque pas de bienveillance envers elle mais ne pourra rien faire pour améliorer sa condition.  

Au pays de nos frères se conclut à l’été 2021 avec l’histoire émouvante de Qasem (Bashir Nikzad), père de famille qui vit en Iran depuis quarante ans et qui obtient enfin la nationalité iranienne pour lui et les siens. Mais la raison tragique de cette régularisation rend l’événement des plus amers.  

Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi signent un film réaliste, tourné avec des acteurs non-professionnels mais oh combien justes et émouvants, sans doute parce qu’étant Afghans, ils ont nourri leur rôle de leurs propres expériences. Autre ironie tragique, les réalisateurs sont eux-mêmes devenus des réfugiés puisque, pour éviter la censure, ils ont dû quitter l’Iran : Raha est installée à New York et Alizera est basé à Paris. Au Pays de nos frères, leur premier long-métrage, a remporté le prix de la Mise en scène du festival du film de Sundance ainsi que de nombreux prix en France, en Chine, en Malaisie, en Suède, au Canada…