Pour son premier long-métrage, dans les salles de cinéma mercredi 2 avril, Hélène Merlin nous livre une histoire très personnelle. Cassandre est tiré de ce qu’elle a vécu à l’adolescence.
Hélène Merlin a eu plusieurs vies : journaliste, comédienne, scénariste… Elle se lance avec Cassandre dans l’aventure du premier long-métrage et remonte le temps, jusqu’en 1998 pour raconter une page troublante de son passé, elle qui a été victime d’inceste à l’adolescence.
Le film met en scène Cassandre (formidable Billie Blain), ado de 14 ans qui, après une courte présentation, quitte le pensionnat pour passer l’été à la campagne dans le manoir familial. Son père (inquiétant Eric Ruf), un ancien militaire, sa mère (incroyable Zabou Breitman), une héritière de mai 68 et Philippe (étonnant Florian Lesueur), son aîné, remarquent, amusés, le corps épanoui de la jeune fille. Celle-ci ne s’en soucie guère préférant monter à cheval dans un petit centre équestre beaucoup moins strict que l’école d’équitation où elle s’entraînait jusque-là. C’est pourtant là que Cassandre va découvrir un autre monde, une autre normalité, et la possibilité de s’extraire d’un univers familial toxique.
Hélène Merlin plante le décor dans une maison bourgeoise avec piscine, entourée d’un vaste parc boisé. Elle y installe sa « famille » : le chef de famille psycho-rigide, dont on attend la première bouchée pour commencer le repas, la mère moderne et envahissante, qui se ballade à poil et donne son avis sur tout, le frère un peu trop tactile, sans oublier la collection de portraits d’ancêtres exposés dans l’escalier. À cette ambiance pesante, voire dérangeante, la réalisatrice oppose la simplicité naturelle d’un club équestre dirigé par un homme zen (Guillaume Gouix) qui sait parler à l’oreille des chevaux et de ses élèves. Cassandre y trouve une respiration, s’y fait des amies et, petit à petit, prend conscience de l’étrangeté de sa vie, ressent le malaise traumatisant qui en découle, et va commencer à résister.
Hélène Merlin filme cet été de tous les dangers avec délicatesse, préfère suggérer que montrer, aux mouvements de corps dénudés, elle privilégie celui de marionnettes décharnées. Et quoi de mieux que des marionnettes pour symboliser la violence et le traumatisme.
La délicatesse n’empêche en rien la force, d’ailleurs Cassandre n’en manque pas, tout comme Billie Blain, la comédienne qui l’incarne avec un naturel irrésistible. Reste le prénom, particulièrement bien choisi puisque dans la mythologie grecque, Cassandre avait reçu le don de dire l’avenir sauf que celle-ci s’étant refusée à Apollon, le dieu décrète que ses prédictions ne seront jamais crues, même par sa famille… Un parallèle à faire avec, de nos jours, l’accueil de la parole des femmes victimes d’agression sexuelle.
- Cassandre de Hélène Merlin (France, & h 43) avec Billie Blain, Zabou Breitman, Eric Ruf, Florian Lesueur, Guillaume Gouix…