Simon Falguières : « c’est un hommage à l’itinérance, à notre troupe et à notre art »

photo : Le K

C’est à la fois une aventure humaine et artistique. Humaine parce que la compagnie Le K invite le public à marcher et à partager un pique-nique du 14 au 19 avril du Moulin de l’Hydre à Saint-Pierre-d’Entremont, son refuge, à la Comédie de Caen à Hérouville-Saint-Clair. Artistique aussi puisque la randonnée est précédée chaque jour d’ateliers d’écriture et de la représentation de Molière et ses masques. C’est une des nouvelles pièces de Simon Falguières, écrite pour six comédiennes et comédiens, musiciennes et musiciens. Dans cette comédie, l’auteur, comédien et metteur en scène, aborde les questions de la vocation artistique, de l’obscurantisme, des bouleversements climatiques, de la puissance des pouvoirs. Comme Molière a su si bien le faire dans certaines de ces pièces. Entretien avec Simon Falguières.

Qu’est-ce qui vous a ramené à Molière ?

Il y a plusieurs choses. Cette création, je l’ai faite pour le festival du Moulin de L’Hydre avec la volonté de pouvoir tourner dans les campagnes. C’est pour cette raison que j’ai opté pour la forme du tréteau. Je cherchais alors une figure théâtrale qui n’imposerait pas de barrière avec le public. Et cette figure, c’est Molière. Il y a eu ensuite cette question d’une vie coupée en deux. La première partie de l’existence de Molière est faite d’itinérance dans le royaume de France. La seconde marque son ascension avec la création de chefs-d’œuvre. J’ai pu ainsi mettre en miroir ce que nous construisons avec la compagnie. Il faut ajouter le contexte de l’époque avec son instabilité politique, les changements climatiques…

Est-ce un hommage à Molière ?

Non, je ne dirai pas ça. J’utilise la figure de Molière pour écrire une farce, une comédie, pour tisser des liens. Comme Boulgakov, qui a écrit un livre génial, Le Roman de monsieur de Molière. Boulgakov se sentait comme le frère de Molière. Il y a aussi quelque chose en lien avec l’aventure de notre troupe. Par ailleurs, j’ai un amour pour Chaplin. Pour moi, Molière et Chaplin, ce sont les mêmes personnes. Ils sont des créateurs et des acteurs. Molière a été un grand acteur comique, une star. C’était impensable au XVIIe siècle. Il a été une star de la comédie. Or, sous le masque de la comédie, il raconte beaucoup, parle de sujets cachés par le rire et l’élégance du rire, des problèmes de son temps enfouis sous le couvercle de l’obscurantisme. Galilée démontre que la Terre tourne autour du soleil. Descartes dit : je pense donc je suis. Il y a tout pour voir que Dieu est mort. C’est un moment de lumières hallucinant sur lequel on va mettre de l’obscurité. Le prince de Conti qui a été le protecteur de Molière va même écrire un traité contre la farce. Avec Molière et ses masques, j’ai écrit une farce. Ce qui est un vrai bonheur pour moi.

Est-ce que Molière a été un des auteurs qui vous a donné envie de jouer et d’écrire ?

Oui, j’aime énormément Molière. Tous ces écrits ne sont pas équivalents mais les grands chefs-d’œuvre sont vraiment de grands chefs-d’œuvre. Comme Les Femmes savantes, Tartuffe, Le Misanthrope. Molière m’a en effet donné envie de jouer.

Nous connaissons plus ou moins la vie de Molière. Quelle a été votre intention avec cette pièce ?

Cette pièce a une actualité, un rapport au présent. C’est aussi un hommage à l’itinérance, à notre troupe, à notre art. Molière voulait être un grand auteur tragique. Or, là, il était très nul. La farce n’était pas d’un rang assez élevé. Pourtant, c’est à cet endroit qu’il a été génial. Nous présentons nous aussi une comédie et c’est un plaisir immense.

Comment est construit le texte de Molière et ses masques ?

La pièce est en deux parties. Elle raconte tout d’abord l’itinérance. On voit alors Molière qui essaie de se faire un nom et les masques qui jouent L’Étourdi, son premier succès que j’ai réécrit. Le spectacle se termine quand Molière se retrouve face au roi et le fait rire. Il revient à Paris et apprend qu’il est mort. Il ne se souvient de rien alors ses masques lui racontent ses souffrances, l’écriture, ses pièces… Il y a six acteurs et actrices qui jouent une quarantaine de personnages. Et ça va à 10 000 à l’heure.

Pourquoi avez-vous choisi cette forme, le théâtre de tréteau ?

J’avais l’idée d’un spectacle léger, avec six personnes, qui ne soit pas fait au rabais. Il y a des masques et de très beaux costumes. Un tréteau, ça se monte très vite et partout. Nous avons besoin d’une heure pour le montage, de 45 minutes pour le démontage et d’un petit camion. 

Comment avez-vous imaginé la mise en scène ?

Il n’y a pas de mise en scène… Non, ce n’est pas vrai. C’est avant tout un travail d’acteur. De ce tréteau, il faut monter et descendre. Et cela demande de la virtuosité folle. C’est notre cri de ralliement : si tu n’es pas virtuose, c’est dommage. Alors ça joue et ça virevolte.

Il y a le spectacle et une marche chaque jour pour aller d’une ville à une autre.

C’est notre grande aventure de la saison. Nous allons faire 60 kilomètres. Il est possible de nous suivre. Nous marchons tous les jours environ 10 kilomètres avec des ânes. Nous faisons un pique-nique. Quand nous arrivons à l’étape, je tiens des ateliers d’écriture avant de jouer la pièce. Les textes seront présentés au théâtre à Hérouville-Saint-Clair. C’est une belle aventure humaine sur le rapport à la lenteur.

Infos pratiques

  • Lundi 14 avril à 18h30 à la salle des fêtes à Saint-Denis-de-Méré
  • Mardi 15 avril à 18h30 au centre culturel à Saint-Rémy-sur-Orne
  • Mercredi 16 avril à 18h30 place de la mairie à Grimbosq
  • Jeudi 17 avril à 18h30 au parc du manoir Feuguerolles-Bully
  • Vendredi 18 avril à 18h30 à la salle des fêtes à Louvigny
  • Samedi 19 avril à 19 heures place du Théâtre à Hérouville-Saint-Clair
  • Durée : 1h15
  • Spectacle à partir de 7 ans
  • Représentations gratuites