Jade Lada : « la danse, ce sont des tableaux vivants »

Photo : Le Phare

Comment trouver sa place dans un groupe ? Jade Lada, artiste associée au Phare au Havre, a posé cette question aux élèves de l’option danse du lycée François Ier au Havre. Ensemble, ils ont poursuivi cette réflexion sur le fait d’être visible ou invisible, selon la confiance de chacun et de chacune, au sein d’un collectif. Une réflexion à suivre dans cette création, (Un)visible, écrite pendant deux résidences en mars et en mai pour le festival Plein Phare Out et présentée samedi 31 mai au Portique au Havre. Entretien avec Jade Lada, fondatrice de la compagnie Skanda et artiste associée au Phare.

Quand avez-vous commencé la danse ?

J’ai commencé très tôt, à 4 ans. Aller vers la danse a été naturel. Ce fut mon choix. À 8 ans, je voulais déjà être danseuse et chorégraphe. Enfant, j’étais pleine d’énergie et animée par le mouvement. J’avais besoin d’un espace pour pouvoir m’exprimer et dépenser cette énergie.

Vous êtes allée vers diverses danses.

Je suis allée vers la danse classique, puis vers le hip-hop, la danse africaine et contemporaine. J’avais besoin de découvrir plusieurs manières d’appréhender le mouvement. Pour moi, la danse classique, c’est l’orthographe, la conjugaison. Nous sommes là dans la structure du corps. J’aime la danse contemporaine pour son côté artistique et pour l’improvisation. Le hip-hop et la danse africaine sont encore plus ouverts, demandent de l’énergie et favorisent le partage.

Vous avez cherché à la fois une forme de rigueur et une liberté de mouvement.

Exactement. Dans mon travail de chorégraphe, il y a cela. Je suis exigeante et j’ai besoin d’une cohésion de groupe pour donner aux interprètes une liberté. Ces différents styles de danse m’ont apporté divers langages et techniques. Ce qui m’a permis de construire mon vocabulaire chorégraphique.

Devenir une chorégraphe a-t-il été une étape importante ?

Oui, c’est carrément une autre étape. J’ai fondé la compagnie en 2017 pour avoir un espace de recherche, pour développer aussi mon langage. J’aime ce travail de chorégraphe pour être avec des danseurs et dans un collectif. Cela fait partie de ma nature. Je suis connectée aux autres. J’ai besoin d’être avec des gens.

Vous parlez de langage chorégraphique. Ajoutez-vous un message à transmettre dans vos créations ?

Oui et c’est super important pour moi. C’est même de plus en plus important. Je ne transmet pas un message pour que le public le comprenne absolument mais pour qu’il le ressente à travers des images. Pour moi, la danse, ce sont des tableaux mouvants. Tout ce qui m’entoure nourrit mes créations. Unsui, ma première création, évoque le cycle de l’eau. Je trouve cela étonnant que l’on se déconnecte de la nature, notamment de l’eau. Potomitan, le deuxième spectacle, est un hommage à ma grand-mère et à mes racines guadeloupéennes. Une Potomitan, c’est une femme pilier qui a des forces et aussi des faiblesses.

Au festival Plein Phare Out, vous présentez (Un)visible. Quel est le message de cette pièce ?

Cette pièce est un laboratoire, une préparation à ma prochaine création, Mawu. Dans la culture vaudou, il y a le monde du visible et de l’invisible. Pour ce travail avec les élèves, j’ai eu envie de faire dialoguer ma recherche artistique avec les voix et les corps de la jeunesse. Quand on parle du rapport entre le visible et l’invisible surgit la question des individualités au sein d’un groupe et du paraître. J’ai beaucoup aimé cet espace de parole libre et la façon dont les mots ont traversé les corps.

Vous avez travaillé avec des élèves de l’option danse du lycée François Ier. Est-ce que la transmission tient déjà une place importante ?

Oui, elle est très importante. Elle fait aussi partie de mon ADN. À 16 ans, je donnais déjà des cours de danse. J’ai enseigné pendant dix ans dans des associations. C’est important de partager la danse et d’ouvrir la matière artistique. La danse, ce n’est pas seulement le mouvement mais aussi des émotions et des liens. Toutes mes créations sont accompagnées d’action culturelle.

Vous êtes artiste associée au Phare. Qu’attendez-vous de ce compagnonnage ?

Être artiste associée permet d’avoir un élan. Quand on est chorégraphe émergent, on ne peut pas tout faire et on a besoin d’être aidé dans la structuration de sa compagnie. Avec Le Phare, il y a un accompagnement à la production et à la diffusion. Cela permet aussi de développer des projets, comme le Cercle de femmes. Au mois de mars, j’ai mené un atelier avec des personnes de La Fabrique au Havre sur le sentiment d’impuissance en tant que femme.

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