//

Feininger au MuMa au Havre : une première en France

C’est un artiste captivant. Pourtant, Lyonel Feininger reste peu connu en France. Le Muma, musée d’art moderne André-Malraux au Havre, propose jusqu’au 31 août une exposition de 139 œuvres de cette figure de l’expressionnisme, Lyonel Feininger, l’arpenteur du monde.

 

Un artiste singulier. Lyonel Feininger est né en 1871 à New York. Ses parents sont musiciens et allemands. En 1887, ils décident de revenir dans leur pays. Le garçon a 16 ans. « Il y a chez lui un sentiment de regret. Il avait envie de revenir aux Etats-Unis. Au fil des années, il va adopter la culture allemande. Lors de la Première Guerre mondiale, il va même devenir pro-allemand. Il y a une réelle révolution du personnage », explique David Butcher, commissaire de l’exposition et historien de l’art.

Lyonel Feininger est tout d’abord caricaturiste et dessinateur de bande dessinée pour des journaux américains et allemands. « En 1905, il commence à peindre sous l’impulsion de sa deuxième femme, Julia Berg, étudiante à l’école des arts appliqués ». Il côtoie les avant-gardes européennes. En 1919, il effectue son troisième voyage à Paris et expose au salon des artistes indépendants. « Les six tableaux sont accrochés tout prés des Fauve. A cette époque-là, un autre courant prend de l’ampleur, le cubisme ».

La même année, l’artiste se trouve aux côtés de Walter Gropius pour fonder le Bauhaus à Weimar. C’est lui qui crée la couverture du manifeste avec un bois gravé, La Cathédrale, symbole de plusieurs arts comme la peinture, la sculpture, l’architecture… Lyonel Feininger, maître de l’école avec Marcks et Itten, devient directeur artistique de l’atelier graphique.

Ses œuvres sont considérées comme « dégénérées » par les nazis. Lyonel Feininger quitte l’Allemagne en 1937 pour revenir aux Etats-Unis. « Ce départ est une déchirure. On peut constater une ambiguïté de ses sentiments vis-à-vis de l’Allemagne. Il a applaudi les premiers discours d’Hitler et pensait qu’il pouvait sauver le pays. Il a voulu s’accrocher à cet idéal ». Il meurt en 1956.

 

Une exposition de collectionneur. C’est une première en France puisqu’un lieu n’a jamais consacré d’expositions à Lyonel Feininger. Pourquoi au Muma, musée d’art moderne André-Malraux au Havre ? « Le Muma est un musée de collectionneurs. Ce qui fonde notre programmation », rappelle Annette Haudiquet, conservateur en chef et commissaire de l’exposition. « Cette exposition a été possible grâce à la rencontre avec un collectionneur qui souhaite rester anonyme. Cette personne s’est passionnée pour l’œuvre graphique. Cette exposition n’est donc pas une rétrospective ». Par ailleurs, Lyonel Feininger est « un contemporain des peintres de nos collections. Ils ont travaillé dans le même atelier, rue Campagne-Première à Paris ».

Cette exposition, Lyonel Feininger, l’arpenteur du monde, présente un travail graphique couvrant une période allant de 1097 à 1949. Elle compte 139 œuvres : des peintures, des aquarelles, des dessins et des gravures (lithographie, eau-forte, gravure sur bois). C’est l’histoire d’un artiste que l’on découvre ainsi et qui commence à Paris. Lyonel Feininger représente des scènes de rue animées et joyeuses. Il dessine des personnages quelque peu fantaisistes, disproportionnés, toujours pressés et habillés à la mode romantique. Au fil des années, toute présence humaine disparaît des œuvres de Feininger. Tout romantisme également. « Il a besoin d’adapter le cubisme à sa propre sensibilité. Son œuvre devient plus abstraite », remarque David Butcher. L’artiste s’épanouit dans les thèmes urbains et villageois, marins…

Lyonel Feininger, attaché au motif, a produit une œuvre singulière. Il a décliné à l’envi un seul sujet en différentes techniques. « Les croquis, les dessins ont nourri les peintures ».  Il a eu un regard tendre, parfois enfantin, sur le monde. Ses différents travaux sont empreints d’une jolie poésie et d’une étonnante fantaisie.

 

  • Jusqu’au 31 août, tous les jours, sauf le mardi, de 11 heures à 18 heures, les samedi et dimanche de 11 heures à 19 heures, au musée d’art moderne André-Malraux au Havre. Tarifs : 5 €, 3 €, gratuit pour les moins de 26 ans et pour tous le premier samedi de chaque mois. Renseignements au 02 35 19 62 62 et sur www.muma-lehavre.fr