Dans l’univers surréaliste de « Nadja »

Contretype d'un portrait photographique de Nadja, vers 1925. BNF - département des manuscrits

Dans cette exposition, il y a des mots et des images. Comme dans le livre. Le musée des Beaux-Arts de Rouen propose un parcours dans Nadja, un ouvrage d’André Breton, et dans le courant surréaliste. Des photographies, des tableaux, des dessins et des sculptures racontent cette aventure amoureuse et les questionnements d’un artiste. Nadja : un itinéraire surréaliste est à voir jusqu’au 6 novembre.

« Tu écriras un roman sur moi (…) De nous, il faut que quelque chose reste ». André Breton a écrit Nadja, un chef-d’œuvre rédigé pendant l’été 1927, en grande partie au manoir d’Ango à Varengeville-sur-Mer, et publié l’année suivante. C’est un ouvrage essentiel dans l’histoire de la littérature et du surréalisme. Au texte, « Breton ajoute des photos et des dessins, non pas comme illustrations mais comme preuves. Il veut éviter toute description littéraire. Cela constitue un ensemble de fenêtres ouvertes sur l’histoire du surréalisme », remarque Alexandre Mare.

Nadja est une femme mystérieuse et libre. Il a fallu quelques années pour connaître sa véritable identité. Plusieurs se sont appropriées ce surnom. Nadja, « le commencement du mot espérance en russe », s’appelle Léona Delcourt. Née en 1902 à Lille, elle doit partir à Paris en 1923 après avoir donné naissance à une fille dont le père reste inconnu. Le 4 octobre 1926, Nadja rencontre par hasard André Breton dans une rue de Paris. Entre les deux commence une véritable passion. Jusqu’au 13 octobre 1926, les deux amants se voient chaque jour. Cette aventure amoureuse sera en effet courte mais fiévreuse. Breton qui a une formation en médecine psychiatrique décèle les moments dépressifs de la jeune femme. Il l’incite à écrire, à dessiner, à sortir « les images qui inondent sa tête ». Cette héroïne du surréalisme aura une fin tragique. Internée quelques jours après leur rupture, Nadja vivra dans un hôpital psychiatrique où elle décèdera le 15 janvier 1941 à l’âge de 38 ans.

Nadja est un récit poignant. Avant le journal de cette rencontre, André Breton livre dans une première partie introspective des doutes et des questionnements qui le « hantent ». D’ailleurs, Nadja commence par une question : « Qui suis-je ? ». « Breton fait un bilan de ces années de jeunesse, rappelle Alexandre Mare. Il a rencontré Paul Éluard, Apollinaire, Picasso. Il y a une effervescence. Le premier numéro de la revue Révolution surréaliste est sorti. Ce fut une onde de choc artistique et intellectuelle ».

L’exposition, Nadja : un itinéraire surréaliste, programmée jusqu’au 23 septembre au musée des Beaux-Arts à Rouen, est aussi riche que captivante. La grande variété des œuvres permet une immersion dans des univers, l’un foisonnant, l’autre intime, et dans une histoire si émouvante.  Il y a tout d’abord une place pour le manuscrit original, avec les ratures et les ajouts, devenu un Trésor national en 2016. L’exposition déroule ensuite le fil narratif du livre d’André Breton à travers des photographies des acteurs du courant surréaliste prises par Man Ray, des tableaux évoquant les lieux parisiens fréquentés par Nadja et Breton ou leurs sujets de discussion, des toiles aussi avec les motifs récurrents du surréalisme. Il est question de rêve, de « sommeils hypnotiques », d’inconscient, d’errance, de formules mathématiques et de gant qui « matérialise ce qu’il occulte et occulte ce qu’il matérialise ».

Les Hommes n’en sauront rien, Max Ernst, 1923, Londres, Tate Modern

L’exposition réunit enfin des dessins de Nadja, figurant dans le livre de Breton. Elle y aborde L’Envie, L’Attente, L’Amour, L’Argent… L’étonnante Fleur des deux amants est là. Comme quelques-unes de ses lettres et les documents sur l’évolution de son état de santé à l’hôpital. Il y a enfin la liste de ses affaires après son décès. Sur la dernière ligne est écrit : un seul gant. Un détail bouleversant.

Infos pratiques

  • Jusqu’au 6 novembre, tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures à 18 heures au musée des Beaux-Arts à Rouen.
  • Entrée gratuite
  • Renseignements au 02 35 71 28 40 ou sur www.mbarouen.fr