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Une histoire d’amour racontée sur 30 mètres de long

Après une campagne de restauration de huit mois, la frise de Walter Crane, longue de 30 mètres avec ses sept toiles, a retrouvé tout son éclat. Skeleton in armor, évoquant l’arrivée des Vikings en Amérique du Nord, est désormais présentée dans les collections permanentes du musée des Beaux-Arts à Rouen.

Trois ans après son acquisition, en 2019, l’œuvre de Walter Crane, Skeleton in armor, a trouvé sa place au musée des Beaux-Arts à Rouen. Avant l’accrochage, au sein des collections permanentes, elle est passée entre les mains de quinze restauratrices entre novembre 2021 et juillet 2022. Ce fut huit mois de travail à Rouen et à Paris pour réparer les altérations du temps, un ruissellement d’eau et de mauvaises conditions de conservation. Une opération rendue possible grâce à un financement des collectivités et de particuliers.

Pour l’équipe, emmenée par Lætitia Desvois, il y avait plusieurs axes de travail. Le premier a été de « remettre la toile sous tension ». Certaines parties, les plus grandes, avaient été roulées pour le transport. De nouveaux châssis ont ainsi été fabriqués. La suite : ce fut des interventions sur la couche picturale. Il a fallu enlever l’encrassement sur toute la surface de la toile et les dépôts de cire. Autre opération : « comme nous avions constaté des soulèvements, il a aussi été nécessaire de refixer la peinture. Sinon, elle aurait été définitivement perdue », explique Lætitia Desvois. 

Les restauratrices ont mené un gros chantier sur la deuxième toile sur laquelle avait coulé de l’eau. Face à ce genre de dégradation, deux solutions sont possibles : ne rien toucher et accepter un aléa ou restaurer. La deuxième l’a emporté. « Nous avions toute la présentation de l’œuvre sur des documents et quelques photos en noir en blanc. Avec une telle qualité graphique, il aurait été aberrant de laisser des parties abimées et de ne pas donner une unité à ce décor », remarque Lætitia Desvois. 

Plusieurs altérations n’ont pas été simples à traiter. « Il y avait des zones de blanchiment dues à des savons métalliques. Ce sont des cristaux qui se forment dans la matière picturale. Ces zones situées dans les contours de l’œuvre et les motifs étaient troublantes et gênantes visuellement ». Elles ont été effacées. L’œuvre a ainsi retrouvé ses couleurs.

Chez une riche propriétaire

Skeleton in armor est une commande de Catherine Lorillard Wolfe, passée en 1883 à Walter Crane (1845-1915). Cette Américaine très riche a voulu accrocher dans la salle à manger de sa résidence à Newport en Nouvelle-Angleterre une frise narrative de 30 mètres de long. Le peintre de Liverpool, connu pour être une figure importante du mouvement Arts and Crafts, reprend le texte du poète américain, Henry Wadsworth Longfellow (1807-1882) racontant la découverte du squelette d’un homme en armure en 1832 à River Fall dans le Massachusetts. Il serait un des Vikings venus s’établir en Amérique du Nord aux Xe ou XIe siècles.

L’histoire commence par l’enfance d’un garçon en Norvège. Devenu jeune adulte, il est admis à la cour du roi, croise la princesse et en tombe amoureux. Les deux amants se déclarent leur flamme au clair de lune. Comme le père refuse de donner à la main de sa fille, ils fuient, traversent l’Atlantique et construisent une tour pour y habiter. La princesse meurt lors de la naissance d’un enfant. L’homme, plongé dans un profond chagrin, se suicide. Son squelette est retrouvé près de la tour. Il se pourrait que Walter Crane et sa femme apparaissent sous les traits du couple amoureux. Quelques ressemblances ne seraient pas si fortuites.

Le poème de Longfellow est raconté en sept toiles. Cinq d’entre elles ont été exécutées à Rome et expédiées d’Italie. Les deux autres, The Viking’s Wooing (Le Vœu du Viking) et The Viking’s Bride (La Jeune Épouse du Viking), ont très certainement été terminées à Londres et exposées à la Grosvenor Gallery avant de rejoindre les première à Newport.

Infos pratiques

  • Le musée des Beaux-Arts de Rouen est ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures à 18 heures
  • Entrée gratuite
  • Renseignements au 02 35 71 28 40 ou sur www.mbarouen.fr