Neuf regards sur la ruine

"Derniers Regards avant disparition" de Marie-Hélène Labat

La saison photographique ouvre à l’abbaye de Jumièges avec une exposition sur le motif de la ruine. Neuf artistes normands se sont emparés de ce sujet à travers des questionnements différents. Les images qui entrent en écho avec le monument sont à découvrir jusqu’au 21 mai dans le logis abbatial.

Dans cette belle exposition, il y autant d’artistes que de regards posés sur un sujet désormais classique, la ruine. Réunis à l’abbaye de Jumièges jusqu’au 21 mai, les neuf photographes, Louise Brunnodottir, Thomas Cartron, Alexandra Fleurantin, Perrine Fliecx, Coline Jourdan, Marie-Hélène Labat, Nikodio, Julie Pradier et Anya Tikhomirova, abordent ce motif à travers des préoccupations davantage intimes qu’esthétiques. La ruine questionne non seulement la marche du temps, la mémoire, la trace mais surtout l’action humaine sur son environnement. Dans Ruines – variation photographiques, chaque photographie témoigne d’une part de trouble et de tourment de ces artistes normands.

Coline Jourdan a poursuivi son travail sur les pollutions industrielles. Cette fois, elle s’est intéressée à l’ancienne mine d’or et d’arsenic de Salsigne, située tout près de Carcassonne. Dans une approche plus documentaire, elle donne à voir un paysage très bucolique qui enferme une importante quantité de métaux lourds. Le beau devient dangereux et place dans une situation instable entre une fascination et une répulsion.

Un passé industriel surgit également dans le travail d’Alexandra Fleurantin. Elle a cherché des traces en Suisse normande où se trouvaient les usines textiles et d’amiante et où la nature a repris sa place. Elle relate le passé de la Vallée de la mort à travers une installation composée de photographies, d’images d’archives, d’objets et de témoignages. 

« Death Valley » d’Alexandra Fleurantin

Marie-Hélène Labat aime raconter des vies. Elle a suivi plusieurs programmes de rénovations urbaines et photographié les habitants dans leurs appartements juste avant leur départ. Il reste là une valise, ailleurs, un meuble démonté ou un four, plus loin, un lé de papier peint. C’est leur regard triste, interrogateur et des souvenirs qu’elle a captés et qui se mélangent dans une superposition d’images troublantes. 

Des souvenirs, il y en a aussi dans le travail de Nikodio. L’artiste, membre du HSH Crew qui travaille l’image dessinée et animée, expose des photographies retrouvées après l’incendie de sa maison. Celles-ci deviennent des tableaux abstraits. Louise Brunnodottir se concentre sur des paysages fragmentés reproduits sur des pierres. Perrine Fliecx se définit comme « une chasseuse d’images ». Son intérêt pour le street art l’a amené à porter une attention sur les friches. Elle photographie des lieux délaissés, toujours magnifiques qui gardent des traces d’une vie. Il y a une douce mélancolie dans ces tableaux.

« Ruins » de Thomas Cartron

Dans cette série, Ruins, Thomas Cartron donne une lecture des Métamorphoses d’Ovide tout en interrogent les regards de plusieurs personnages, comme la Femme de Loth, Narcisse, Actéon… Il les ancre tous dans des enjeux de société, comme le rapport à l’image. L’artiste continue d’expérimenter son médium et d’explorer les techniques. Le rendu est empreint de mystère.

Julie Pradier emmène à Brighton, sur les ruines d’une jetée qui a été brûlée. Il en reste d’énormes squelettes inquiétants flottant sur l’eau. Anya Tikhomirova revient sur la destruction des paysages, l’extinction des espèces vivantes et l’invasion des déchets plastiques. Elle a récolté divers emballages du quotidien qu’elle a transformés en sculptures, mis en scène et photographiés. Ses natures mortes deviennent des critiques du monde contemporain.

« After G.M. » d’Anya Tikhomirova

Infos pratiques

  • Jusqu’au 21 mai tous les jours au Logis abbatial à l’abbaye de Jumièges
  • Ouverture de 9h30 à 13 heures et de 14h30 à 17h30 jusqu’au 14 avril, de 9h30 à 18h30 à partir du 15 avril
  • Tarifs : 7 €, gratuit pour les moins de 26 ans, les demandeurs d’emploi et bénéficiaires de minima sociaux
  • Renseignements au 02 35 15 69 11 ou sur www.abbayedejumieges.fr