Soulful, deep soul, smooth soul… The Sacred Souls

photo : DR

 Après Lee Fields et le trio enchanteur Harlem Gospel Travelers, le 106 à Rouen conclut son triptyque soul lundi 10 avril avec la venue de Thee Sacred Souls, le nouveau phénomène du label Daptone Records et un combo des plus raffinés, harmonieux et authentiques. 

Comme l’avait déjà effectué Berry Gordy au cœur des sixties, lorsqu’il ouvrit discrètement une succursale de Motown Records à Los Angeles pour découvrir de nouveaux talents — et officieusement se rapprocher d’Hollywood avec l’espoir d’y faire carrière un jour —, l’équipe dirigeante de Daptone Records a créé Penrose, division californienne de la maison mère new-yorkaise. L’envie de soleil, de palmiers, de virées exaltantes sur la Pacific Coast Highway, de Barbie girls et d’apollons bodybuildés ? Pas vraiment le genre de la « House of soul » comme on l’appelle dans le milieu. Mais plutôt l’idée de se rapprocher de Riverside, où se situe le studio de Bosco Mann alias Gabriel Roth, co-fondateur du label et génial producteur, mais aussi d’y trouver quelques perles cachées comme ce fut le cas pour Berry Gordy en son temps.

L’espoir s’est vite transformé en réalité avec le phénomène Thee Sacred Souls, trio improbable composé du chanteur Josh Lane, du batteur Alex Garcia et du bassiste Sal Samano, repéré plus simplement par le buzz qui sévissait autour de lui plutôt que par une quelconque investigation artistique menée dans les clubs californiens. C’est à San Diego que le groupe officiait discrètement avant d’exploser au grand jour pour ses chansons mélancoliques et douces. De la soul estampillée de la fin des années 1960 et du début de la décennie 1970 dans un registre soulful très marqué. 

Une soul à l’état pur

Les ballades sont reines dans ce répertoire essentiellement porté par la lenteur, par la pesanteur. Tout est ici ralenti mais jamais ennuyeux, lascif et pourtant percutant comme les vagues de Chula Vista, ville d’enfance de la section rythmique, située dans le comté de San Diego, là où la communauté latine abonde comme en témoigne la majorité des membres du groupe agrémenté de quatre musiciens dont deux chicas choristes tout droit sorties du film Les Sept Mercenaires. Josh joue le rôle principal de cette version musicale du fameux western, bien aidé par une voix de ténor de rue travaillée pendant quelques années dans une école de Sacramento. Il nuance, cadence et romance tel un Marvin Gaye de la période Let’s get it on, voire un Smokey Robinson dans l’aigu ou encore un Curtis Mayfield qu’il vénère… L’ouvrage est magnifique. On est proche d’une soul à l’état pur, produite à l’ancienne, totalement respectueuse du passé mais finalement pas si rétro que ça. 

Bosco Mann a compris l’univers des Sacred Souls, en respectant les chansons, en sublimant le tout. L’album éponyme, sorti en 2022, dévoile une douzaine de douceurs quasi-tragiques quand elles évoquent la violence et la mort (en hommage à George Floyd), nostalgiques quand elles suscitent les regrets, contemporaines face à l’actualité. Il glorifie bien sût l’amour, thème dominant d’un opus largement salué par les médias et surtout adoubé par le public sur les plate-formes de streaming. Les écoutes se comptent en millions.

Un exploit pour un album qui se réfère à la soul d’antan, qui s’écoute avec délicatesse et se joue des diktats de la mode. Thee Sacred Souls élève la soul en frôlant le mystique. Il y a quelque chose de presque chamanique dans l’interprétation de certains titres qui rappelle l’incantation des Amérindiens lors de la fête du feu, lorsque l’esprit sacré est imploré. Et ces Sacred Souls en savent quelque chose. 

Infos pratiques

  • Lundi 10 avril à 20 heures au 106 de Rouen
  • Première partie : Jalen Ngonda
  • Tarifs : de 20,50 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Aller au concert avec le réseau Astuce