D’Une Terre à l’autre : c’est le thème retenu pour la deuxième partie de l’exposition Esclavage, mémoires normandes. Jusqu’au 10 novembre, le musée Eugène-Boudin à Honfleur présente des documents qui, pour la plupart, ne sont jamais sortis des archives. Retour sur l’histoire d’un port négrier.
Honfleur a aussi été un des puissants acteurs de la traite atlantique. Dès le XVIe siècle, son petit port où vivaient des marins aguerris et fleurissaient des chantiers navals a été le point de départ d’expéditions vers le Brésil, le Québec et l’Afrique. De 1685 à 1718, les premiers armateurs honfleurais prennent part à la traite atlantique. Ce commerce connaît un nouvel essor partir de 1763. Pendant vingt-cinq ans, « 114 expéditions sont menées vers les côtes africaines. 50 000 personnes sont déportées de l’Afrique aux Antilles. Honfleur redevient un port négrier », indique Benjamin Findinier, directeur des musées de Honfleur. Voisins et rivaux, les deux ports de Honfleur et du Havre vont savoir s’associer pour établir une stratégie de comptoirs d’achats et de ventes.
À Honfleur, « ce passé n’a jamais été caché mais il n’a jamais été non plus l’objet d’un enjeu mémoriel », rappelle Benjamin Findinier. Le travail commence au musée Eugène-Boudin avec D’Une Terre à l’autre, un des trois volets de l’exposition Esclavage, mémoires normandes qui se poursuit à l’Hôtel Dubocage au Havre et au musée de la corderie Vallois à Notre-Dame-de-Bondeville. De nombreux documents sont ainsi présentés pour la première fois.

L’exposition est organisée autour de la maquette d’un brick, symbole de ce négoce triangulaire, construit pour le commerce au long cours et la traite atlantique. « Dans les chantiers, il y a quelques navires de traite mais, le plus souvent, ce sont des navires d’occasion réemployés, de récupération construits ici ou ailleurs. Au fur et à mesure des traversées, ils vont être aménagés pour accueillir les captifs et les denrées. Ce deux mâts a été réutilisé. En 1791, on fait construire des bateaux pour la traite atlantique ».
Comme au Havre, des familles se spécialisent dans cette économie. Comme les Prémord, Picquefeu de Bermon et Lacoudrais. Elles vont élaborer des réseaux européens pour les transactions de captifs, des pacotilles et des denrées. Tout cela est noté avec précision dans divers documents.

« État des différentes marchandises de traite nécessaires au Cap Laho pour y traiter des captifs, du morfil, de la cire et de l’or ; et leur valeur a la Côte », 7 juillet 1787, encre sur papier – archives municipales
Autre particularité honfleuraise : les compagnies ont davantage installé leurs comptoirs sur les rives de la Sierra Leone où étaient à prendre de nouveaux marchés. Pour réduire le temps de préparation des voyages, certaines n’hésitent pas à mettre au point une procédure d’achat direct d’esclaves avec des sociétés anglaises. Elles ont aussi préféré Saint-Domingue, leur colonie de prédilection où se sont installés des planteurs honfleurais.
Tous les esclaves ne restaient pas aux Antilles. Certains étaient débarqués à Honfleur et restaient au service d’une famille. L’exposition présente aussi quelques témoignages de personnes qui ont été baptisées. La présence des captifs dans la ville clôt cette exposition qui met en lumière la part active de familles honfleuraises dans la traite atlantique pendant plusieurs siècles.

Infos pratiques
- Jusqu’au 10 novembre, tous les jours, sauf le mardi, au musée Eugène-Boudin à Honfleur
- Ouverture jusqu’au 30 juin de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures, du 1er juillet au 31 août de 10 heures à 18 heures, du 1er octobre au 10 novembre de 10 heures à 12 heures et de 14h30 à 17h30
- Tarifs : 8 €, 6,50 €, gratuit pour les moins de 16 ans
- Renseignements au 02 31 89 54 00 ou sur www.musees-honfleur.fr