Dans ses chansons, Claire Days dépeint des territoires intimes, parfois mystérieux. La musique est une folk multicolore. L’écriture, libre, contourne les codes établis pour évoquer des questionnements personnels. La voix, au timbre léger et limpide, apaise. Après trois EP, l’autrice, compositrice et interprète, a sorti en octobre 2022 un premier et bel album, Emotional Territory, travaillé avec Fin Greenall. Elle ouvre samedi 16 septembre à Évreux le Live à Gisacum. Entretien.
L’album arrive après trois EP. Est-ce que chaque sortie a été une étape dans votre parcours artistique ?
Oui, chaque étape aide à se diriger vers la suivante. Pour moi, chacune a été déterminante dans l’affinage de la musique que je veux jouer. Les premiers pas sont toujours des balbutiements mais je pense que l’on a besoin de faire des essais pour se rapprocher de la musique qui nous ressemble.
Quand avez-vous effectué ces premiers pas ?
J’ai commencé à écrire et composer quand j’avais 6 ans. En fait, quand j’ai appris à écrire. Plus tard, je n’ai pas écrit pour sortir un EP. Au début, je ne voulais pas partager mes chansons. Je n’étais pas du tout dans cette démarche-là. En 2017, il a été question de sortir quelques morceaux.
Est-ce que la musique reste avant tout un travail en solitaire pour vous ?
Oui, j’écris et je compose toute seule. J’ai toujours fait comme ça. Je suis toute seule avec ma guitare. D’ailleurs, les textes et les mélodies viennent toujours ensemble. C’est d’ailleurs assez mystérieux. Quand on est seul, on se tourne vers l’intérieur de soi. C’est un peu un cliché de dire cela mais, quand j’écris, je formule des choses que j’ai ressenti ou que j’ai du mal à dire ou encore à comprendre. On va sonder ce que l’on a ressenti.
D’où le titre de votre premier album, Emotional Territory ?
Oui, l’album met des mots sur cet espace qui se trouve à l’intérieur de soi, cet endroit où se logent toutes les émotions.
Cette écriture suppose alors être dans un moment présent.
Je ne saurais dire. Je fonctionne aussi avec mes souvenirs qui sont aussi présents en moi. Cela demande en effet une attention particulière à ce que je suis en train de vivre.
Est-ce difficile, pour vous, d’écouter vos émotions ?
Oui, c’est difficile. Il faut se mettre dans un état particulier. C’est néanmoins un exercice que je fais depuis que je suis toute petite. Donc je le fais naturellement. Je sais qu’il se passe quelque chose quand je commence à écrire mais je ne sais pas pourquoi, ni comment.
Est-ce un moment fragile ?
Oui, c’est très fragile parce qu’il est difficile de faire de la place dans le quotidien. Nous avons tous des contraintes. Je suis aussi dépendante de ma guitare. Si je ne l’ai pas entre les mains, je me sens dépossédée.
Vous parvenez à atteindre une certaine liberté dans l’écriture. Vous sortez du schéma traditionnel d’alternance entre couplet et refrain.
Je ne pense pas du tout à cela lorsque j’écris. J’ai surtout envie de faire comme je veux, comme ça vient. Une chanson est quelque chose de progressif. Ma pensée se déploie par parties successives. Je prends en effet cette liberté dans mes formats. Cela peut m’être aussi reproché.
Est-ce que les concerts ont par ailleurs influencé votre écriture ?
Je pense que oui. Cela fait quatre ou cinq ans que je donne des concerts. Sur scène, je me suis tout d’abord aperçue que mes titres étaient compliqués à jouer. Il y a aussi la problématique de l’attention du public. Parfois, il faut se battre. Cependant, je veux garder ce rapport libre et instinctif à l’écriture. Même s’il m’arrive parfois maintenant de m’imaginer l’interpréter quand j’écris. Cela peut désormais orienter certains choix.
Avez-vous une volonté d’apaiser avec votre musique ?
J’ai la volonté de m’apaiser moi-même. J’espère cependant que ma musique a un pouvoir d’apaisement. Celle des autres m’apaise et m’aide à vivre.
Est-ce que cette saison sera consacrée aux concerts ?
Oui, je reprends les concerts. J’ai écrit aussi de nouveaux morceaux. Un single sort la semaine prochaine et un EP, dans deux mois. Cette fois, j’ai écrit en français. Cela me chamboule parce que je n’ai jamais écrit en français. J’écoute très peu de chanson française. Jusqu’alors, je n’ai jamais voulu forcer cela. L’an dernier, un soir, j’ai écrit un premier morceau en français, puis plusieurs. C’est le début de quelque chose que je ne maîtrise pas. Je me sens moins solide sur mes appuis mais ce travail est enrichissant. En parallèle, je continue à écrire en anglais. Je pense que les deux langues vont coexister.
Infos pratiques
- Samedi 16 septembre à partir de 16 heures sur le site archéologique de Gisacum à Évreux
- Concert avec Mickle Muckle, Nana Benz du Togo, Lucie Antunes
- Gratuit