À la gloire du père

Photo : Christophe Raynaud de Lage

C’est l’histoire d’une famille immigrée algérienne. Celle d’Abdelwaheb Sefsaf. Le comédien et metteur en scène de la compagnie Nomade de France la raconte à partir du récit de son père. Ulysse de Taourirt se joue les 19 et 20 janvier au CDN de Normandie-Rouen.

Tous les deux ont 16 ans. Mais à quarante années d’intervalle. Il y a le père, Arezki, né à Taourirt, qui décide en 1948 de quitter l’Algérie pour la France. Son fils, Abdelwaheb, né à Saint-Étienne, découvre au même âge en 1986 le théâtre. Dans Ulysse de Taourirt, joué les 19 et 20 janvier au CDN de Normandie-Rouen, Abdelwaheb Sefsaf dresse un parallèle entre les deux adolescences, entre deux réalités.

« On a demandé à mon père de venir en France pour travailler. Pour cela, il a triché sur son âge. Lui qui s’intéressait à la politique française, il a vite compris en arrivant qu’il avait été utilisé. Faire venir des hommes des colonies a en effet permis d’enrayer un mouvement de grève lancé par les mineurs. Cela l’a beaucoup interrogé », rappelle le comédien et metteur en scène, directeur du Théâtre de Sartrouville.

Des figures héroïques

Ulysse de Taourirt est donc le récit épique de deux vies. Avec cette pièce, Abdelwaheb Sefsaf poursuit son travail aux contours sociologiques. « Je me sens légitime à cet endroit, lié à mon intimité. J’essaie d’être un homme de théâtre, un observateur et de donner une juste représentation de la société. Je garde malgré tout une certaine distance tout en ayant à cœur de raconter cet intime pour convoquer l’universel ». Pour écrire ce texte, Abdelwaheb Sefsaf s’est entretenu de manière régulière avec son père. « Ce fut facile de discuter avec lui avec le temps. Il appartient à cette génération qui n’a pas appris à se plaindre. Il a quand même échappé deux fois à la mort. Lors de nos conversations, je notais toutes ses réponses. Je faisais mon travail d’auteur. Il était important pour moi de rester fidèle à ses paroles ».

Le comédien compare son père, et tous ceux qui ont pris cette décision de partir de leur pays, à Ulysse, une figure mythologique pour évoquer l’héroïsme ordinaire de ces hommes, ouvriers, qui ont participé à la reconstruction de la France. Et le retour ? Il était espéré mais « impossible. Tout aller est un aller simple. Les enfants sont ensuite les racines dans ce pays ». Des enfants qui grandissent « dans l’ombre de ces héros ». Sur scène, entouré de trois musiciens, Abdelwaheb Sefsaf joue et chante, mêle poésie et humour dans cette tragi-comédie, une fiction documentaire à la gloire d’un père.

Infos pratiques

  • Vendredi 19 janvier à 20 heures, samedi 20 janvier à 18 heures au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly
  • Durée : 1h20
  • Tarifs : de 15 à 1 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
  • Aller au spectacle en transport en commun avec le réseau Astuce