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Ëda Diaz : « notre diversité est harmonieuse »

photo : Misael Belt et Gaëlle Correa

Il y a de la joie et de la folie, de la lumière et des ombres dans la musique d’Ëda Diaz. L’artiste franco-colombienne, contrebassiste et compositrice, aborde les différentes étapes de la vie avec un regard subtil dans son premier album, Suave Bruta. De formation classique, elle se laisse influencer par les musiques latino-américaines, nourries de rock psyché et d’électro. Ëda Diaz sera en concert le 25 juillet lors des dernières Terrasses du jeudi de cette année 2024 à Rouen. Entretien

Votre album a pour titre Suave Bruta, un oxymore. Pourquoi avez-vous associé ces deux mots ?

Ce n’est pas venu comme ça. Cette association vient au contraire de très loin. Suave Bruta est un morceau de Joe Arroyo que j’ai beaucoup écouté. Quand on est colombien, impossible de ne pas connaître ce grand chanteur de salsa. C’est ce nom, Suave Bruta, que j’ai choisi aussi pour mes Dj sets. Au moment de faire le point sur les différents titres que j’avais composés, je me suis aperçue en rassemblant les pièces du puzzle qu’il y avait à la fois une tension et des contradictions. Tout cela créait néanmoins une harmonie.

Cultivez-vous souvent les contrastes ?

Oui, j’aime cultiver les contrastes. Dans une chose en apparence chaotique, il y a toujours une harmonie. Notre diversité est harmonieuse dès que l’on fait attention aux uns et aux autres. Quand on accepte la diversité, on crée une beauté. La vie est aussi comme cela. Dulce de mar est un hommage à mon meilleur ami qui est parti trop soudainement. Il faut maintenant être dans le souvenir et le faire lors des moments de douceur. C’est vrai qu’il y a toujours cette part d’ombre et de joie.

Ce même contraste se retrouve également dans votre musique.

J’essaie, oui. Cela n’est pas forcément conscient. J’ai souhaité sortir du cliché latino avec ce soleil. Oui, il y a cette part, cette culture en moi. Il y aussi cette part complexe de l’être humain parce que je suis française et colombienne. J’ai grandi en France avec ces deux cultures. Alors cela peut tout dire et rien dire. Mais c’est ce monde que je propose à travers la musique. Comme une sorte de chemin.

Un chemin qui vous a amenée à la musique.

Oui, c’est ce qui m’a amenée à faire de la musique. J’étais partie pour devenir urbaniste. Je ne me suis jamais imaginée vivre de la musique. Pourtant l’expression de mon identité personnelle passe par la musique. J’ai toujours été tiraillée entre les deux pays, les deux cultures. La musique crée un pont entre les deux. Elle m’a permis d’avoir une carte de visite de ce qu’est mon monde.

Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’aller piocher dans le répertoire de la musique colombienne ?

Si j’avais eu l’expérience inverse, être née, avoir grandi en Colombie et passé mes vacances en France, j’aurais sûrement pioché dans le répertoire français. Mon père me faisait écouter beaucoup de musique latino-américaine. Ma grand-mère maternelle m’a appris des chansons. Il y a eu une exploration de mon identité colombienne avec le boléro, le tango et autres musiques.

Est-ce que la littérature tient aussi une place aussi importante que la musique ?

J’ai grandi à l’école espagnole. J’ai d’abord lu et écrit en espagnol. Il y avait Federico García Lorca, Cervantes puis Pablo Neruda, Gabriel García Márquez. Je suis aussi imprégnée de cette littérature. Tout comme de la poésie. La chanson latino-américaine est d’ailleurs très poétique. Tout cela a influencé ma façon d’écrire. La poésie latino-américaine m’a beaucoup aidée dans l’écriture. Je m’en suis ensuite éloignée. Je pense que chaque album est le tableau d’un moment de la vie.

À quel moment vous êtes-vous intéressée à la musique électronique ?

C’est venu plus tard. J’ai aussi un amour pour les musiques des années 1970. J’aime beaucoup parce qu’elles sont synonymes, pour moi, de liberté. Elles m’ont emmenée vers le free jazz et les musiques alternatives. Avec Anthony Winzenrieth, nous avons échangé beaucoup de musiques. Ce fut une réelle découverte pour moi parce que tout semble possible.

Comment utilisez-vous votre contrebasse aujourd’hui ?

Elle a une place plus importante dans mon expression. C’est un instrument qui m’a un peu sauvée. Je ne pensais pas être faite pour la musique parce que je ne suis pas une virtuose. À l’âge de 24 ans, j’ai redécouvert la contrebasse et toutes les sensations éprouvées auparavant. Elle m’a accompagnée dans mes premières compositions. Aujourd’hui, elle est moins présente. J’ai davantage envie d’explorer, de mettre plus en avant le mélange des genres qui m’influencent. Sur scène, la contrebasse est néanmoins là, mais plus de façon acoustique et organique.

A-t-il été facile pour vous d’appréhender la scène ?

Pas du tout. Je suis montée sur scène pour la première fois à l’âge de 6 ans lorsque j’étais au conservatoire. C’était devant un jury qui notait les élèves en fin d’année. J’ai gardé de cette expérience de l’anxiété pendant très longtemps. Après j’ai appris à me détacher du regard des autres. Le public n’est pas un jury. Il est là pour passer un bon moment. La scène est désormais une libération. Mais cela m’a pris une bonne dizaine d’années pour me dire que j’avais une place sur scène.

La programmation du jeudi 25 juillet

  • À 18h30 place de La Calende : Ëda Diaz
  • À 18h30 place du Chêne rouge : Gogo juice
  • À 18h45 à l’Espace du palais : Huit Nuits
  • À 19 heures rue Eau-de-Robec : Akinroots
  • À 20h30 place du Chêne rouge : Hada
  • À 20h30 place de La Calende : Lonesome Shack
  • À 20h45 à l’Espace du palais : Qwanqwa
  • À 21 heures rue Eau-de-Robec : Imarhan Timbuktu

Infos pratiques

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