Chasse à l’homme

Paul (Anthony Bajon) se laisse vampiriser par le dossier Maldoror / photo Sofie Gheysens

En Belgique, en 1996, l’affaire Dutroux a marqué les esprits. Le réalisateur Fabrice du Welz s’en est inspiré librement pour signer Le Dossier Maldoror, dans les salles de cinéma ce mercredi 15 janvier. C’est un thriller réaliste porté avec ténacité par le jeune Anthony Bajon. 

Une trentaine d’années nous sépare de l’affaire Dutroux, et pourtant, en France comme en Belgique, personne n’a oublié ce fait divers oppressant évoquant enlèvements, séquestrations, viols et meurtres de fillettes et d’adolescentes, puis la découverte de corps dans la maison d’un certain Marc Dutroux. Le réalisateur Fabrice du Welz s’inspire librement de ce sujet sinistre pour nous proposer Le Dossier Maldoror, une fiction réaliste à la rigueur d’un documentaire.

La bonne idée du réalisateur d’Inexorable, c’est d’éviter toutes scènes macabres, pour privilégier l’enquête en filmant les démarches d’un gendarme de 25 ans confronté au dysfonctionnement des différents services de police. Paul Chartier (l’impeccable Anthony Bajon) est appelé à rejoindre l’opération secrète Maldoror. Sa mission — et celle de son collègue (Alexis Manenti) — est censée se limiter à surveiller un suspect récidiviste, l’inquiétant Dedieu (Sergi López). Pour le jeune homme idéaliste, l’enquête — ralentie par les ordres et les contre-ordres — se transformera en chasse à l’homme obsessionnelle.  « Dans les années 90, en Belgique, la police communale, la police judiciaire et la gendarmerie nationale ne communiquaient pas entre elles… » témoigne le réalisateur qui parle même de rivalités policières. L’affaire Dutroux est devenue une affaire d’Etat imposant des réformes au sein des institutions.

Comme une obsession

Le personnage principal de ce Dossier Maldoror n’est donc pas le criminel ni ses victimes, mais un gendarme qui sort du droit chemin. Il le filme d’abord jeune, marié à la charmante Jeanne (Alba Gaïa Bellugi), accueillie à bras ouverts par sa belle-mère italienne (Béatrice Dalle). Et puis la mission prend de l’importance dans la vie de Paul au point que le gendarme prend le dessus sur le père, le mari, le gendre. Des vies sont en jeu : pour lui, rien n’a plus d’importance que l’homme qu’il doit absolument arrêter :  « Paul se laisse vampiriser par sa propre enquête », souligne avec lucidité Anthony Bajon.

Une obsession qui nous paraît d’autant plus dangereuse physiquement et mentalement que l’on découvre un Dedieu incarné par Sergi López, encore plus pervers que dans Harry, un ami qui vous veut du bien de Dominik Coll, rôle qui lui a valu le César du Meilleur acteur en 2001. Pour lui tenir tête, on pouvait compter sur l’intense Anthony Bajon remarqué en 2018 dans La Prière de Cédric Kahn qui lui a valu l’Ours d’argent du Meilleur acteur à la Berlinale. 

A voir !

  • Le Dossier Maldoror de Fabrice du Welz (Belgique, France, 2h35) avec Anthony Bajon, Alba Gaïa Bellugi, Alexis Manenti, Sergi López…