Family Therapy est une tragi-comédie à l’humour noir. Chez les Kralj, une famille aisée, tout est bien en ordre. Autant dans leur maison que dans la tête du père, Aleksander (Marco Mandić), de la mère, Olivia (Katarina Stegnar), et de la fille, Agata (Mila Bezjak). La vie de ces trois-là va être complètement bouleversée par deux événements. Il y a tout d’abord l’arrivée de Julien (Aliocha Schneider), le fils d’Aleksander, né d’une première relation, puis celle d’une famille que Julien laisse entrer dans la propriété après une panne de voiture. La maison va alors se fissurer de tous les côtés. Dans Family Therapy, Sonja Prosenc dépeint une classe qui se considère intouchable. La réalisatrice slovène est présente vendredi 14 mars à l’Omnia à Rouen lors de la projection de son troisième long-métrage qui ouvre la sélection officielle du festival du cinéma À L’Est. Entretien.
D’où vient l’idée du scénario de Family Therapy ?
L’idée m’est venue d’un souvenir d’enfance. J’avais environ cinq ans et notre voiture familiale a pris feu au bord de la route. Je me souviens de voitures qui passaient sans s’arrêter et, en réfléchissant au scénario, je me suis demandé : qui sont ces gens qui ne s’arrêtent pas ? Pourquoi agissent-ils de cette façon ? Que doit-il se passer pour les faire sortir de leur zone de confort ?
Pourquoi avez-vous choisi de confronter deux mondes qui s’ignorent ?
Nous pensons souvent que nous vivons dans une société ouverte et connectée. En réalité, nous restons dans notre bulle, éliminant ce qui ne correspond pas à notre vision du monde. La famille principale du film voit la famille en difficulté tout d’abord comme des réfugiés, puis comme des touristes… Surtout pas ce qu’elle est réellement. Elle lui colle simplement des étiquettes, car reconnaître ce qu’elle est reviendrait à affronter une vérité dérangeante.
Avez-vous imaginé le personnage de Julien comme le grain de sable dans une machine apparemment bien huilée ?
Absolument. La famille a construit et contrôle son propre écosystème contrôlé. Elle est dans un vivarium où chaque membre peut vivre en toute tranquillité. Julien est l’objet étranger qui perturbe cette illusion – comme cet invité inattendu à une fête qui ruine les masques sociaux soigneusement préparés de chacun. C’est lui qui ouvre littéralement la porte au monde extérieur, laissant le chaos et la vie s’y introduire.
Est-ce vraiment Julien qui va casser l’image de la famille parfaite ?
Julien ouvre davantage les fissures déjà présentes. La famille se présente comme progressiste et ouverte d’esprit. Or l’image qu’elle a soigneusement entretenue d’elle-même s’effondre lorsque la réalité frappe littéralement aux murs de verre. Julien force le père, la mère et la fille à se mettre dans une position où ils ne peuvent plus faire semblant, où ils deviennent eux-mêmes vulnérables. Mais, en même temps, peut-être, cette vulnérabilité les rend aussi capables d’empathie.
Pourquoi votre film est-il écrit en plusieurs chapitres ?
La structure des chapitres crée une distance, presque comme si nous assistions à une expérience sociale. Elle permet également à chaque section de fonctionner comme un commentaire ironique et tranchant sur la situation, renforcé par la musique ; tantôt soulignant l’absurdité, tantôt aggravant les troubles émotionnels des personnages.
Pourquoi avez-vous opté pour un ton humoristique et caustique ?
Parce qu’il nous permet de rire de choses qui, autrement, pourraient nous mettre mal à l’aise. Je ne voulais ni moraliser ni pointer du doigt. Je voulais que le public se reconnaisse dans ces personnages, même si cela peut être difficile à admettre. L’humour crée un espace d’autodérision, où nous pouvons reconnaître la dissonance entre nos valeurs et nos actions, et peut-être même y réfléchir… avant d’être inévitablement confrontés à des situations similaires dans la vie réelle.
Infos pratiques
- Vendredi 14 mars à 20 heures au cinéma Omnia à Rouen
- Durée : 2h02
- Programmation complète du festival À L’Est
- Aller au cinéma en transport en commun avec le réseau Astuce