Jean-Pascal Zadi : « La sapologie vient d’une révolte née pendant la colonisation »

Prosper (Jean-Pascal Zady) accompagne Anissa (Cindy Bruna) à l’inhumation de son petit ami, le King / Photo : Le Pacte

Pour son premier long-métrage, Prosper, Yohann Gloaguen mélange les genres. Prosper est une comédie, mais c’est aussi un thriller avec une pincée de fantastique qui a d’autant plus attiré Jean-Pascal Zadi que le réalisateur lui offre deux rôles. Il est Prosper, chauffeur Uber dans la galère, mais aussi le King, gangster super sapé et craint de tous. Un soir, le truand monte dans sa voiture, blessé à mort. Prosper finira par se débarrasser du corps mais conservera ses bottes en croco. Et à chaque fois que le loser glisse ses pieds dans les chaussures du voyou, il se métamorphose en mâle alpha inquiétant. Le petit plus de cette comédie décoiffante, c’est de nous faire découvrir l’univers des sapeurs dans leurs tenues flamboyantes, pour ne pas dire exubérantes. Et puisqu’on parle de fringues, citons également la présence de Cindy Bruna, top modèle dont c’est le tout premier rôle au cinéma. Elle est la petite amie de King, et avec elle, on ne rigole pas. Rencontre avec le Normand Jean-Pascal Zadi, César du Meilleur Espoir masculin en 2021 pour Tout simplement noir, film qu’il avait écrit et réalisé.

Pour commencer, dites-nous pourquoi vous n’étiez pas « sapé » pour présenter la cérémonie de César?

Vous rigolez, j’étais méga sapé !

Oui, mais vous ne portiez pas une tenue aussi colorée que les nouveaux amis de Prosper…

Ah oui, je comprends… En fait l’idée de la sapologie — en tout cas c’est ce que les sapeurs m’ont appris —, c’est de porter des vêtements dans lequel tu te sentiras à l’aise et qui feront en sorte que tu auras confiance en toi. Et moi, quand je dois me mettre en avant, ma manière de me mettre en confiance c’est plutôt le smoking. D’où ce super smoking noir, sur-mesure, qui coûtait pas mal de milliers d’euros…

Présenter les César, c’était une épreuve ?

Oh oui, c’est une véritable épreuve. Même si je n’avais pas peur de rater, c’est hyper difficile d’arriver devant tous ces gars… Et puis juste avant d’arriver sur scène, j’ai lu un article où Valérie Lemercier disait : « Le truc à ne pas faire quand on présente les César, c’est parler de soi. » Or tout mon discours, c’était sur moi. Je ne pouvais rien changer. Ça m’a vraiment fait peur.

La confiance en soi est un des sujets du film. Avec l’expérience, le succès, un César, avez-vous encore des moments de doute ?

Tout le temps, tous les jours… À chaque projet, à chaque film, je me remets en question, et même dans la vie de tous les jours. Le succès n’y fait rien. En plus, mon premier succès, je l’ai eu à 38 ans. Mon cerveau était déjà construit. Je savais déjà que le succès était éphémère, qu’il ne dépendait vraiment pas de toi, alors je ne m’attarde pas trop dessus. Le succès, ça fait plaisir, ça booste ton ego mais tu sais que ça tient au travail mais aussi à plein d’autres choses. Ce n’est pas ça qui rassure, au contraire, tu cherches toujours à comprendre comment et pourquoi c’est arrivé (rire). 

Connaissiez-vous déjà l’univers des sapeurs ?

Je connaissais la sapologie parce que mes parents sont d’origine congolaise et j’avais l’habitude de voir des tontons sur-habillés. J’étais très familier de ce mouvement qui vient d’une révolte née pendant la colonisation. Les colonisés se sur-habillaient pour montrer qu’ils avaient de la valeur. Finalement, la sape est l’art de la célébration de soi-même. Dans la vie de tous les jours, on a tendance à se fondre dans la masse pour ne pas trop se faire remarquer. Le sapeur cherche tout l’inverse et j’aime ça parce que ça peut faire du bien de pouvoir se dire : « je suis beau, je sens bon, j’ai de beaux habits », pour ne pas rester écrasé par les problèmes du quotidien.

Le film développe plusieurs aspects, la comédie, le thriller, le fantastique. Quel est celui qui vous attirait le plus?

J’ai adoré le côté fantastique dans une comédie, ce n’est pas quelque chose que l’on voit souvent dans le cinéma français. Me projeter dans la peau d’un mâle alpha dominant qui fait une enquête pour savoir qui l’a tué, ce n’est vraiment pas le genre de truc que j’écris moi-même donc ça m’attire beaucoup. J’étais enthousiaste à l’idée de changer de dynamique en tant que comédien.

Dans la vie, vous vous sentez plus Prosper ou King?

Archi Propser, méga Prosper à 200 % (rire). Pendant le tournage, c’était même troublant la manière dont je m’identifiais à lui dans ses relations avec sa mère, avec son ex. En revanche pour jouer King, il a fallu que je change la voix, le regard, la posture, l’attitude, la gestuelle, et c’était bien parce que je sais que c’est un aspect de la personnalité que tous les hommes ont en eux et qu’on n’a pas l’habitude de laisser sortir. C’était jouissif d’aller chercher ça.

Écrire et réaliser des films vous donne-t-il plus de choix dans les rôles qui vous sont proposés ?

Oui, d’ailleurs,  je ne cherche pas spécialement à interpréter des rôles de comédie, vu que les comédies, je me les écris et que j’y mets les gens que j’aime. En fait, je cherche des choses que je ne me sens pas capable d’écrire comme Prosper ou Pourquoi tu souris. J’ai envie maintenant d’aller vers des genres différents, d’aller vers le drame, l’action.

On vous revoit bientôt sur grand écran ?

Mon prochain film en tant que réalisateur, La Mission de l’espace, sort le 25 juin. C’est la première expédition spatiale africaine avec Reda Kateb, Farsi, Claudia Tagbo… Et puis on a eu les droits de la part des ayant-droits de Boris Vian pour faire J’Irai craché sur vos tombes, un livre que j’ai adoré quand j’étais jeune. Le tournage aura lieu en Martinique.