La leçon d’un homme qui était raciste

photo : Émilien Cancet

Dans La Rage aux tripes, un court métrage d’Émilien Cancet, Romuald fait son examen de conscience après avoir côtoyé des migrants à Calais. C’est un des six films sélectionnés pour l’Acte 1 du Courtivore qui se déroule vendredi 16 mai à l’Ariel à Mont-Saint-Aignan.

Il a fallu à Romuald une bouteille de rhum pour « avoir les idées claires ». Pendant dix ans, il a « pas mal bourlingué », comme il dit. Après Paris, Lyon et Nice, retour à Calais pour retrouver sa fille et une ville transformée, désormais toute grillagée. Romuald l’avoue. Il a la rage aux tripes parce qu’il y a de « quoi péter un plomb » avec l’installation des migrants. Alors il milite au sein de Sauvons Calais et s’informe sur des sites nationalistes. Il participe aux manifestations et aux meetings. Mais pas question d’employer la violence. « C’est pas mon truc ». 

Quand une bénévole d’une association caritative lui propose d’assister à une maraude, il la suit. Là, Romuald, qui se disait ouvertement raciste et islamophobe et se nourrissait d’infox sur des sites malveillants, subit un choc. Non, les migrants ne portent pas des vêtements dernier cri. Non, ils ne sont pas violents. « J’ai halluciné comment ils vivaient. Ils n’ont strictement rien ». Il l’assure : « dans ces conditions, on ne tiendrait pas ». Romuald apprend à connaître ces personnes qui ont parcouru des milliers de kilomètres. Depuis, il coupe du bois pour les réfugiés au sein d’une association.

« Une baffe gigantesque dans la tronche »

En février 2018, Émilien Cancet découvre le témoignage de Romuald dans Les Pieds sur terre, une émission de France Culture. « Je suis scotché par la manière dont il s’exprime, dont il s’est remis en cause. Entrainé par la curiosité et le doute, il fait un revirement. Aujourd’hui, il est rare de voir des personnes partir de l’extrême droite pour aller vers un autre bord. L’inverse est plus commun. Romuald est très touchant. Il se prend une baffe gigantesque dans la tronche. Quand il se livre, il ne se cache pas ». 

Dans La Rage aux tripes, un court métrage sélectionné lors de l’Acte 1 du Courtivore, vendredi 16 mai à l’Ariel à Mont-Saint-Aignan, le réalisateur reprend les mots de Romuald et les confie à Nicolas Devanne, très sobre dans son jeu. En effet, il est cash, Romuald. Les mots claquent. Surtout tout bouillonne à l’intérieur de lui. Émilien Cancet a eu la bonne idée d’utiliser une voix-off pour plonger dans une pensée et cette agitation intime. Durant cette déambulation dans la ville de Calais, dans le port et sur la plage, le personnage ne cesse de se remettre en question et change sa vision du monde. Il va jusqu’à éprouver la souffrance physique des migrants en se jetant dans une eau à 8 degrés. 

Le réalisateur reste cadré sur le visage très expressif d’un homme qui va d’émotions en émotions et fait son examen de conscience. « Il fait un beau chemin. Moi aussi, j’ai changé d’avis sur lui. On ne peut pas rester sur une première impression. Romuald se nourrit. Quand on va sur place à Calais, on prend des bribes d’humanité, de gentillesse et de partage ». Tourné par une équipe de trois personnes en seulement quatre jours en mars 2023 à Calais, La Rage aux tripes, entre fiction et documentaire, est un portrait tendre. 

Infos pratiques

  • Vendredi 16 mai à 20 heures à l’Ariel à Mont-Saint-Aignan
  • Tarif : 6 €
  • Réservation en ligne
  • Aller au cinéma en transport en commun avec le réseau Astuce