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Théâtre au CDN : Les 1001 histoires de Gurshad Shaheman

photo Jérémy Meysen

Une soirée et trois spectacles. En tout 4 heures et demi de spectacle pour suivre Gurshad Shahema dans son histoire personnelle, ses souvenirs, ses premiers pas au théâtre, ses récits amoureux. Artiste associé au CDN de Normandie Rouen pendant trois saisons, Pourama Pourama est une invitation à faire connaissance avec cet acteur et auteur, né en Iran. A voir au 3 au 7 octobre au théâtre des Deux-Rives à Rouen.

Il a fallu l’écriture de Pourama Pourama pour qu’il se réconcilie avec le théâtre. Gurshad Shaheman ne cache pas quelques déceptions. « J’étais frustré d’être au service d’un texte, d’un metteur en scène et je me sentais enfermé à l’endroit de l’interprétation ». Le voilà « sorti des sentiers battus » avec cette trilogie qu’il joue du 3 au 7 octobre au CDN de Normandie Rouen. Le voilà aussi très exposé dans les différents endroits du théâtre des Deux-Rives. « Je suis dans le même espace que le public. Les spectateurs peuvent établir un contact physique avec moi. Un acteur n’est pas une image, c’est un corps ».

Pour en arriver là, Gurshad Shaheman est passé par l’écriture. Celle de son histoire personnelle en trois parties. « Pour bousculer les codes de la fiction, de la représentation, je devais parler de moi, du monde réel. Je devais me positionner personnellement, partager ma vision du monde. C’était compliqué de ne pas retourner à l’endroit où ma sensibilité s’est formée ». Avoir une vision du monde reste une chose importante pour le comédien. « Le théâtre est un espace de réflexion et de recherche. Un des derniers espaces de réflexion sans contrainte ! On repense le monde dans lequel on vit. On partage une utopie ».

Trouver le bon mot

Première partie de Pourama Pourama : Touch Me qui est consacrée à l’enfance de Gurshad Shaheman en Iran où il est né et à son père. « Petit, il me faisait peur. Il était froid. Il ne me cajolait pas. Il était d’une pudeur excessive qu’il m’a transmise. C’était un ingénieur travaillant à la reconstruction des routes sur le front. Un jour, il m’a emmené au front pendant la guerre. Comme on emmène son enfant au bureau. Ce voyage a été un élément constructif de ma sensibilité, en tant qu’homme et en tant qu’artiste. Cette relation entre un père et son fils a évolué au fil du temps. Il y a une inversion des rôles. Qui tient le volant ? Hier, c’était lui. Aujourd’hui, c’est moi qui conduis. Cette inversion fait l’universalité du spectacle » avec la guerre entre l’Iran et l’Irak en arrière plan.

 

 

Après Touch Me, une deuxième partie s’est imposée. Un autre spectacle, Taste Me, pour évoquer la figure de la mère, une femme, soumise à son mari, qui voulait devenir avocate. Elle décide de divorcer et de partir en France avec ses enfants. Gurshad Shaheman parle de là de son adolescence, de l’apprentissage du français, de la découverte d’une culture. Il raconte tout en cuisinant et en servant aux spectateurs son plat préféré, un gheymeh polo. Puis, « il manquait quelque chose : l’adulte que j’étais devenu, le départ de la maison », confie Gurshad Shaheman. Trade Me est la troisième partie de la trilogie. Une troisième partie plus théâtrale où « il y a plus de surprises. J’invente encore plein de choses. C’est un vaste champ d’investigation ».

Si Pourama Pourama a permis cette réconciliation avec le théâtre, l’écriture de la pièce n’a pas été une thérapie. Gurshad Shaheman n’a pas souhaité en faire « un déversoir. C’est pour cette raison que j’ai commencé une thérapie à ce moment-là, pour séparer les espaces. Je voulais être certain de trouver le bon mot. Je voulais aussi être certain qu’une chose ne soit pas mal dite ou mal assumée ». Touch Me, Taste Me et Trade Me, ce sont ses histoires « entre deux pays, entre l’Iran et la France. Mais, depuis que tout est écrit, ce ne sont plus mes histoires. Le fait de les avoir mises en forme m’a libéré ».

 

  • Mardi 3, mercredi 4, jeudi 5 et vendredi 6 octobre à 19 heures, samedi 7 octobre à 18 heures au théâtre des Deux-Rives à Rouen. Tarifs : 14 €, 9 € (+ repas à 12 €). Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
  • Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du mercredi 4 octobre.

 

Un des artistes associés au CDN de Normandie Rouen

Comme Ronan Chéneau, Lorraine de Sagazan, Rébecca Chaillon et Mehdi-Georges Lahlou, Gurshad Shaheman est un des artistes associés au centre dramatique national de Normandie Rouen pour les trois prochaines saisons. Pour cet auteur et comédien, impossible de refuser une telle invitation. « Cette proposition m’a été faite avec énormément d’amour. Je me suis senti désiré. Être artiste associé, c’est toujours un peu ce dont vous rêvez. Arriver à un certain âge, vous avez besoin d’être reconnu par vos pairs ».

Gurshad Shaheman a donc « les moyens de chercher, de créer, de travailler, de continuer à écrire. Je vais creuser les interrogations levées dans Pourama Pourama, la question de l’identité. Je vais collecter des récits. Ce sera les 1001 Nuits d’aujourd’hui ». Cette saison, Gurshad Shaheman revient au CDN en février 2018 dans Andromaque de Racine, une pièce, mise en scène par Damien Chardonnet-Darmaillacq, dans laquelle il joue Hermione.