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Concert au 106 à Rouen : en Zone Libre

photo Ced Forban
photo Ced Forban
photo Ced Forban

La ville avec toutes ses richesses, son bouillonnement permanent, son énergie, sa force de création et d’inventivité… Il y a tout cela dans PolyUrbaine, le nouvel album de Zone Libre. Mais cet élan vital et positif ne cache pas les difficiles conditions de vie. Le duo, Serge Teyssot-Gay et Cyril Bilbeaud, s’entoure cette fois des rappeurs Mike Ladd et Marc Nammour. D’un côté, un rock libre, un funk, de l’afro-beat… Et ça groove. De l’autre une poésie brute balancée comme un poing levé. PolyUrbaine met un sacré coup de pied dans les clichés, est un souffle libre et jubilatoire, un acte politique. Zone Libre est en concert mercredi 9 décembre au 106 à Rouen. Interview avec Serge Teyssot-Gay.

 

Dans le titre Ici, au bout de la chaine, Marc Nemmour dit : « dans ma tête, c’est la tempête ». Est-ce aussi la tempête dans votre tête aujourd’hui ?

Tout dépend de quoi on parle. Ce n’est pas tant la tempête. Aujourd’hui, nous vivons des événements qui sont reliés à des faits complexes. C’est plutôt tout ce que cela m’évoque. Je suis sidéré par qui se passe. De plus, il y a plein d’infos que l’on ne peut pas avoir et qui nous empêche d’avoir une pensée claire. Pourtant, il est constructif d’essayer de comprendre ce qui se passe.

 

Que vous inspire la ville ?

Je pars du constat que le monde rural a quitté les campagnes il y a un siècle et demi. Cela a créé un mouvement dans nos sociétés. Nous habitons quasiment tous en périphérie. C’est plus une réflexion générale qui ne concerne pas seulement les banlieues. On a tendance par automatisme à penser à la banlieue mais il faut plus penser à ces gens qui ont des cultures différentes. Ce qui m’a interpelé avant tout, c’est cette énergie permanente. J’ai voulu rendre compte de cette énergie qui va dans le sens de la vie. En considérant les projets des uns et des autres, cela crée des choses hybrides. C’est très jouissif, ludique.

 

Êtes-vous une personne optimiste ?

Carrément. D’ailleurs, on m’a souvent reproché mon optimisme. J’ai décrypté cela plus tard. J’ai toujours voulu faire des choses qui me permettent d’avancer. Et à certaines personnes, cela ne convient pas parce que cela leur renvoie une image d’eux qui est très différente. Il ne faut pas oublier que la France est un vrai carrefour où les gens se croisent. Ce n’est pas pour rien qu’il y a un esprit de fraternité important. C’est pour cette raison qu’il est ouvert à tous les vents et qu’il y a des attentats. Notre musique est en écho à cela.

 

 

 

Comment avez-vous travaillé avec Mike Ladd et Marc Nammour ?

Marc a besoin de beaucoup travailler en amont et d’avoir la musique. Quant à Mike, c’est avant tout un improvisateur. Il a une agilité verbale, donc un groove incroyable. Cela donne à la musique un sentiment d’urgence. Avec Cyril, nous les avons réunis trois jours avant la première date. Nous n’aimons pas les show trop préparés, hyper normés. Même si l’industrie musicale demande cela aux artistes. C’était une carte blanche. Tout l’intérêt était de présenter un truc accidentel. Parce que tous les accidents sont bénéfiques, des bonus pour la création. Nous sommes dans un état émotionnel qu’il ne peut y avoir que des surprises, de belles trouvailles. Parfois on se plante mais ce n’est pas grave.

 

Vous multipliez les collaborations, les improvisations. Vous sentiez-vous trop à l’étroit dans le format de la chanson ?

Oui, certainement. J’avais besoin d’exploser toutes les normes. Le but n’est pas de finir dans un chaos total. L’improvisation est déterminante pour notre musique. Par ailleurs, je cherche à être surpris par des musiciens. J’ai sorti deux albums en solo. Après, j’ai voulu travailler avec d’autres partenaires. J’ai besoin des autres.

 

 

Il faut un duo soudé pour jouer une telle musique.

Je suis fou de Cyril. Je le connais depuis le milieu des années 1990. Ce gars, son expression, sa façon de jouer me touchent. Je super admiratif de son travail. Ensemble, nous poursuivons un vrai dialogue. Cela nous permet d’évoluer ensemble.

 

Pour mener à bien ce projet, il était nécessaire pour vous de sortir des circuits établis ?

Oui, c’est une volonté délibérée. Cela me plaît d’imaginer d’être maître de ce que l’on fait. Nous effectuons des choix et nous les assumons à fond. Cela donne un sens plus profond et une plus grande responsabilité à ce que nous faisons. Nous avons créé un label. Maintenant, il faut mettre les mains dans le cambouis, contacter les distributeurs, la presse, les organisateurs d’événements, monter un budget, faire de la comptabilité… En fait, c’est très intéressant. Et cela nous permet d’exister à côté de la grosse industrie qui préfère les normes et étouffe les nouvelles propositions.

 

Mais il y a des artistes qui disparaissent des circuits.

Oui, c’est terrible mais il y a un côté génial. Tu savoures tes projets et tu ne subis pas.

 

  • Mercredi 9 décembre au 106 à Rouen. Tarifs : de 20 à 11 €. Pour les étudiants : la carte Culture. Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Première partie : JP Manova