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« Fan de Bourdieu »

Rocé fait plutôt partie de ce rap underground. Il se démarque avec une écriture ciselée, franche, percutante, imagée qui ne manque d’élégance. Depuis Top Départ en 2002, il décortique les faits, les contradictions de l’être humain sans tomber dans la caricature. Son quatrième album, Gunz n’Rocé, plus mélodieux, le rappeur parle du langage, de l’hypocrisie, du rêve, rend hommage à dj Mehdi. Une nouvelle fois, Rocé avance à contre-courant. Il est vendredi soir au festival Mauvaises Graines au Silo à Verneuil-sur-Avre.

 

 

 

 

Est-ce qu’une métaphore est le meilleur moyen de faire passer un massage ?

Ça dépend. Quand on fait de la musique, oui, c’est le meilleur moyen parce qu’il est plus léger. On reste dans la poésie, dans un certain degré d’amusement et on n’est pas du tout dans un mode explicatif. On donne une âme, une sensibilité à une idée. La métaphore permet également de ne pas prêcher uniquement à des convertis. Elle est comme un cheval de Troie.

 

Est-ce naturel pour vous d’écrire avec des métaphores ?

Oui, c’est devenu naturel. Dans les titres, j’estime que la forme est aussi importante que le fond.

 

Vous employez beaucoup de métaphores dans cet album ?

Oui, c’était mon but. La métaphore, c’est le sport du rappeur. Je n’ai cependant pas la prétention de dire autre chose que les autres. Je le fais différemment. J’essaie de sortir de belles phrases afin qu’elles restent dans les têtes.

 

Vous abordez néanmoins des sujets peu courants, comme le langage dans Habitus ?

Oui, c’est vrai. C’est un thème différent. C’est une de mes prétentions. J’aime aborder des sujets un peu complexes qui sont des concepts.

 

 

Pour vous, le langage est le reflet de la personnalité d’un être.

Oui, je pense que le langage véhicule ce que l’on est. Il est le passeport qui te fait passer différentes étapes de ta vie dans cette société inégale. Ta manière de parler te catalogue très vite. Comme ta manière de te déplacer. Dans les grandes soirées, il faut savoir placer sa bonne phrase au bon moment pour être remarqué. Comme dans la cour du roi. Ce sont les codes qui cadenassent nos identités.

 

L’être humain est très souvent au cœur de vos sujets.

C’est mon sujet de préoccupation. J’aime vraiment évoquer tous ces thèmes sociologiques, philosophiques, mettre le doigt sur les contradictions de notre société, comme cette prétendue égalité ou cet universalisme dont la France prétend porter.

 

Allez-vous nourrir vos réflexions chez les sociologues, les philosophes ?

Je suis assez fan de Bourdieu. Je lis aussi Edward Saïd, théoricien de la littérature, Castoriadis…

 

Pourquoi Bourdieu ?

Bourdieu a su mettre des mots sur le fait que les pauvres ont une culture de pauvre et les riches, une culture de riche. Dans tout cela, il n’y a plus qu’à récupérer le peu de dignité qu’il reste.

 

Il vaut mieux alors être « assis sur la lune » et rêver.

Oui et rêver, c’est encore un luxe. L’être humain a le pouvoir de s’adapter, de se mouvoir, de se sentir à l’aise partout. Il peut avoir cette constante remise en question.

 

Etes-vous un esprit solitaire ?

Tous les gens qui essaient de gratter, de rentrer dans la profondeur de la pensée se retrouvent seuls. Quand je me mets à écrire, j’entre en solitude. C’est un moment que j’aime. Mon but reste tout de même d’en ressortir pour partager quelque chose.

 

Le programme des Mauvaises Graines

Vendredi 6 septembre à partir de 19 heures

  • Rocé
  • Pumpkin
  • Freshcaencamps
  • Karmada
  • The French Touch Connection

Samedi 7 septembre à partir de 16 heures

  • Rover
  • Rebel Assholes
  • If The Kids
  • Minou
  • Tim
  • Off The Beaten Track
  • The Goaties
  • Fuzzy
  • Mr Easy
  • Merlot

 

Infos pratiques

  • Le Silo, 46, rue de La Petite-Vitesse à Verneuil-sur-Avre
  • Tarifs : 20 €, 10 € les deux jours, 18 €, 15 €, 7 € une journée.
  • Réservation au 02 32 32 36 23 ou sur www.festival-mauvaisesgraines.fr