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Hugues Barthe : « On n’est jamais maladroit dans son expression »

Avant le festival Normandiebulle qui se tient samedi 23 et dimanche 24 septembre à Darnétal, Hugues Barthe, auteur de bande dessinée rouennais, vient dédicacer Big Bang Saïgon, éditée à La Boîte à bulles, mardi 19 septembre dans nos locaux. Une belle occasion de rencontrer un artiste sensible à l’écriture délicate, parfois drôle, d’autres fois plus grave, et subtile. Entretien.

Vos bandes dessinées traitent de sujets d’actualité. Pourquoi ?

Parler d’aujourd’hui, de la société actuelle, c’est ce qui m’intéresse. Écrire une bande dessinée historique ne me correspond pas du tout. J’aime les histoires contemporaines. Je travaille sur ce que j’observe et je m’inspire de personnes que je connais.

Est-ce que vous puisez aussi des sujets dans la presse ?

J’ai toujours été très solitaire et j’ai toujours beaucoup écouté la radio. Je suis aussi très observateur. J’aime bien écouter et regarder ce qui se passe. Je me raconte une histoire et donne mon avis à travers mon écriture.

Votre écriture est-elle une réaction à un fait, un événement ?

C’est difficile de dire quel est le déclic. Je pars d’un événement qui m’est arrivé. Je pars toujours de moi et je m’éloigne pour rendre le propos universel.

Ce sont des sujets rares en bande dessinée.

C’est très récent en effet. Depuis les livres de Marjane Satrapi, cela s’est vraiment développé. C’est dans ce style que j’ai eu envie de m’exprimer. Je ne me retrouve pas du tout dans ce que l’on appelle la bande dessiné franco-belge.

Cela a donc été un choix de départ.

Je fais de la bande dessinée depuis que je suis enfant. Adolescent, je racontais des histoires très adultes. Avant même que le roman graphique existe. Je me penchais sur la question du couple, de la relation entre les gens, entre les hommes et les femmes, sur la sexualité…

Ce sont des sujets très intimes. Dans certaines bandes dessinées comme L’Été 79 ou L’Automne 79, vous racontez votre histoire. Comment avez-vous pu prendre de la distance par rapport à ce que vous aviez vécu ?

C’est ce qui fut le plus gros travail. Ces deux livres sont sur mon histoire familiale. Cela m’a pris beaucoup de temps pour trouver cette bonne distance. J’ai écrit trois ou quatre versions avant de la trouver. Le premier personnage était beaucoup trop proche de moi. Mais cet ado de 14 ans, je l’avais perdu de vue. Alors on ne pouvait pas croire à cette histoire. J’ai changé et j’ai choisi d’écrire à partir d’un point de vue d’aujourd’hui.

Devez-vous faire ce travail pour chaque nouvelle bande dessinée ?

Oui parce que ce n’est jamais la même recette et, à chaque livre, j’aborde un nouveau thème. C’est toujours un gros travail en amont de l’écriture. Pour moi, la bande dessinée, c’est avant tout de l’écriture. Le dessin est un simple moyen.

Avez-vous déjà essayé d’écrire un roman ?

Oui, j’ai essayé mais cela a été une catastrophe. Je suis vite tombé dans le pathos, dans des descriptions lourdes. La bande dessinée, c’est ma manière de m’exprimer. J’aime l’endroit où je suis. Je suis cependant très souvent invité à des festivals littéraires pour faire des lectures.

Les sujets que vous abordez demandent aussi beaucoup de franchise.

Je ne peux pas tricher. Alors je me renseigne beaucoup. Je lis beaucoup. Dans mes bandes dessinées, je parle seulement de ce que je connais, de ce que je ressens. Je dois ressentir les choses sinon je ne peux pas incarner le personnage. Je dois rentrer dans le personnage.

Cette année vous diversifiez votre écriture puisque vous travaillez aussi pour le théâtre avec Le Chat foin dans Qui suis-je ?

C’est un travail complètement différent. C’est Yann Dacosta (fondateur de la compagnie Le Chat foin, ndlr) qui m’a proposé cette collaboration il y a un an. J’ai trouvé cela assez flatteur. Ce sont des séquences dessinées projetées sur grand écran. C’est très passionnant à faire.

Vous qui avez l’habitude de travailler seul a dû bousculer votre façon de faire.

En général, je travaille seul. Là, c’est une collaboration. C’est aussi la première fois que je travaille à partir d’un texte que je n’ai pas écrit et, au final, que je me suis approprié. J’ai participé aux résidences afin de mettre tout en oeuvre au fur et à mesure.

Vous avez publié deux bandes dessinées complètement différentes. La première, Bobby change de linge, est aussi autobiographique.

C’est un peu mon histoire. Cette BD raconte l’histoire d’un personnage qui change de milieu social. Et quand on change de milieu, il y a des codes que l’on n’a pas. On ne sent pas à sa place. Même au bout de 30 ans, on ne se sent pas toujours très à l’aise dans certaines situations. L’autre BD, Big Bang Saïgon, est au contraire l’autobiographie du dessinateur, Maxime Péroz qui a vécu plusieurs années au Vietnam. C’est un copain depuis 30 ans qui dessine tout le temps. Il a beaucoup de carnets de croquis. Revenu en France, il était en deuil d’une histoire d’amour avec une Japonaise. Je lui ai proposé d’écrire une histoire. Il l’ai mise en forme et il a dessiné.

Vous animez régulièrement des ateliers. La transmission vous importe beaucoup ?

Je fais ça beaucoup par goût. J’aime bien le contact, donner envie aux jeunes. Même si on ne sait pas dessiner. On n’est jamais maladroit dans son expression.

  • Dédicace de Hugues Barthe mardi 19 septembre à partir de 17 heures à Filfax Média, 29, rue de Buffon à Rouen. Entrée libre
  • Festival Normandiebulle, samedi 23 et dimanche 24 septembre aux Tennis couverts à Darnétal. Tarifs : 6 €, 4 € la journée, 8 €, 6 € les deux jours. Renseignements sur www.normandiebulle.com
  • Des places sont à gagner pour Normandiebulle : écrivez à relikto.contact@gmail.com