Cinéma : Régis Wargnier et Raphaël Personnaz à l’Omnia

Régis Wargnier retrouve un continent qu’il connaît bien, l’Asie. Le Temps des aveux, tourné au Cambodge avec Raphaël Personnaz, revient sur un fait réel lors de la conquête du pouvoir des Khmers rouges. Lundi, le réalisateur et le comédien ont présenté en avant-première ce film troublant à l’Omnia à Rouen.

 

Une question surgit à la fin du Temps des aveux. Quelle est la véritable nature de la relation qu’entretiennent les deux personnages principaux, François Bizot, l’otage, et Douch, le geôlier ? Impossible de trouver la réponse. Il ne peut y avoir de l’amitié parce que l’un est en pleine souffrance et découvre la terreur que fait régner l’autre. Il n’y a pas de haine non plus puisque le révolutionnaire épargne la mort à son prisonnier. Et pourtant il y a un lien entre ces deux hommes.

 

Dans Le Temps des aveux, Régis Wargnier se focalise sur cette relation ambiguë et indéfinissable pour sonder à nouveau l’homme, capable de franchir les frontières de la barbarie pour des causes idéologiques. « Je m’intéresse aux utopies révolutionnaires. Là, on est dans la folie de la paranoïa d’une dictature ».

 

En 1971, en pleine guerre civile menée par les Khmers rouges, François Bizot, un chercheur français, se fait capturer et se retrouve en pleine jungle. Il est considéré comme un espion de la CIA. Il sera prisonnier pendant quatre mois dans ce camp S21, dirigé par Douch qui lui demande de le convaincre de son innocence. François Bizot, interprété remarquablement par Raphaël Personnaz, est enchaîné et porte une souffrance morale qui se lit dans un regard de plus en plus noir et physique s’exprimant à travers un corps amaigri.

 

Cette histoire vraie est inspirée du livre de François Bizot, Le Portrait. « J’étais aux Etats-Unis pour la promotion de Est-Ouest lorsque j’ai lu les bonnes feuilles de cet ouvrage. L’histoire m’a passionné. J’ai eu envie de tourner un film aussitôt. Mais il m’a fallu dix à douze ans pour le réaliser. En fait, il fallu attendre la fin du procès de Douch. Cette période était alors entrée dans l’Histoire. Il était possible d’en parler ».

 

Dans ce film, Régis Wargnier n’a pas de regard manichéen, ne juge pas. « J’observe. Je pose des questions. Je regarde comment cela est possible. Les bourreaux ne sont pas extraterrestres mais des humains qui sont pris dans des idéologies. La relation entre les deux hommes est possible parce que chacun a vu chez l’autre un être humain ».

 

Comme décor à cette relation, Régis Wargnier choisit une nature luxuriante dans une lumière douce. Il n’y a aucune image de guerre. Pourtant, celle-ci est omniprésente. Le réalisateur suggère cette période de l’histoire où le Cambodge sombre dans la terreur, plonge dans un silence assourdissant.

 

 

  • Entretien avec Raphaël Personnaz

temps des aveux bis 353992.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxComment avez-vous appréhendé ce personnage ?

J’ai eu du temps. Après avoir lu le scénario, je me suis plongé dans la période historique pour comprendre les tenants et les aboutissants des faits. J’ai ensuite rencontré François Bizot, un homme sauvage qui m’a montré divers documents. Je suis sorti de cette entrevue avec des réponses mais surtout avec beaucoup plus de questions. Je suis aussi allé au Cambodge. C’était la première fois que je me rendais en Asie. Ce fut un choc. On ne peut pas ressorti indemne d’un tel voyage. Ce pays est marqué par son histoire et les habitants surprennent par leur apparente quiétude et par leur énergie. J’y ai appris le khmer.

 

Est-ce que l’apprentissage a été difficile ?

Ce fut un enfer. Cette langue n’a aucun rapport avec la nôtre. J’ai utilisé des moyens mnémotechniques. C’est un travail d’un an. Trois semaines avant le tournage, j’ai suivi les cours d’un franco-khmer qui m’a enseigné la prononciation. Il m’emmenait la rue et me forçait à parler avec les habitants. Au début, on se moquait de moi. Je suis ensuite parvenu à me faire comprendre.

 

Durant tout le film, on observe une transformation physique.

La perte de poids était nécessaire. J’ai perdu 10 kilos parce que je voulais avoir une approche physique des choses. Je ne voulais pas être un Occidental qui regarde l’histoire de manière intellectuelle. Nous avons tourné le film de manière chronologique. La perte de poids n’a pas été si douloureuse. J’ai plus souffert du climat qui est particulier.

 

Où avez-vous puisé l’énergie pour jouer ?

J’étais parfois dans un état second. Quand j’ai vu le film pour la première fois, il y avait des scènes dont je ne me souvenais plus très bien. Il y a des trucs un peu brumeux.

 

Que ressentiez-vous à la fin du tournage ?

J’ai mis du temps à revenir en France. Il m’a fallu des mois de réadaptation. Le film évoque cette frontière entre l’homme et le monstre. La sortie du film approche et je me pose toujours des questions sur la relation entre ces deux hommes.

 

 

  • Les Temps des aveux de Régis Wargnier avec Raphaël Personnaz, Kompheak Phoeung, Olivier Gourmet, Thanet Thorn. Sortie le 17 décembre.