Philippe Delerm voit « La vie en relief »

photo : Hermance Triay

Philippe Delerm livre quelques boisseaux de textes courts nouveaux dans La Vie en relief. Dans la droite ligne de son œuvre versant minimaliste. Mais avec ce petit quelque chose en plus. Rencontre.

A l’heure de la consécration, le fringant septuagénaire signe un beau livre en 2021. Consécration, car Philippe Delerm vient tout juste d’être publié dans la collection Bouquins pour une compilation de ses romans. Un « embouquinage » que l’auteur goûte particulièrement ; d’abord parce que les autres embouquinés sont d’habitude déjà morts. Et aussi parce que, chez Bouquins, « les livres tiennent ouverts tout seuls, à la page que l’on a choisie »… Mais voici le voyageur immobile encore sous les feux de la rampe avec un nouveau livre La vie en relief. Un titre comme une évidence (Ah, bon sang ! Mais c’est… Bien sûr !) pour celui qui n’a jamais cessé de se pencher patiemment sur les plus infimes parcelles de nos existences. « Vivre par les toutes petites choses. Des sensations infinies, des phrases du quotidien, des gestes, des bruits, des odeurs, des atmosphères. Ecrire sur tout cela. », écrit-il à la page 72.

Connaissez-vous un autre auteur ayant donné autant aux poussières de la vie… ? Et ce, depuis plus de vingt ans. « Finalement, rien n’a changé depuis La Première gorgée de bière, explique Philippe Delerm. Je parle toujours des petits éclats de vie. Ce n’était pas très « commercialisable » à l’époque (1997 – NDLR). On était même hostile au bonheur. »

« Je ne suis pas de mon temps. Je suis de tout mon temps. »

Eh oui ! S’il y en a bien un qui peut s’approprier cette pirouette, c’est bien lui, qui avoue avoir été un ado flemmard. « Je séchais. J’ai redoublé mon CM et ma 3e. J’ai un tempérament à rêvasser. J’ai été un spectateur toute mon adolescence pour être ensuite pris de boulimie… » Un style, une fidélité, un succès, aussi qui l’ont gardé sincère. « J’ai été invité à changer de vie, à faire partie du milieu… Mais cela me paraissait être contraire aux regards que je recevais de la société. Je suis resté prof. Et à Beaumont-le-Roger. »

Avec La Vie en relief, Delerm va un peu plus loin… « C’est un livre très intime. J’en avais envie depuis longtemps. » Au détour d‘une évocation du temps suspendu, de ces instants dans lesquels beaucoup se retrouvent, il parle de sa mère, de sa rencontre avec sa femme, de son bonheur, de la mort… De ces « instants » que l’on a peut-être connus nous aussi mais qui pour le coup n’appartiendront qu’à lui pour toujours.

Cette visite chez Delerm intime s’accompagne d’un appétit de l’auteur pour les aphorismes. La « punchline », comme on survend la formule aujourd’hui. « Le présent est le passé ».  Une page et tout est dit. Oui, le passé est le présent. Bien sûr. « Je me sens entravé dans mon corps aujourd’hui, raide mais à l’intérieur, je me démultiplie : je suis à la fois enfant, adolescent, adulte... » Et une soif d’écrire toujours inextinguible. «  Le prochain livre est déjà écrit. Ce sera un livre sur New-York ; New-York où je ne suis jamais allé et où j’ai décidé que je n’irai jamais. » Alors, va pour New-York… New-York-en-Ouche ? New-York-le-Roger ? Ou New-York-sur-Risle ?

Hervé Debruyne

  • La Vie en relief, Philippe Delerm, Le Seuil.
  • photo : Hermance Triay