Jean-Claude Gallotta : « J’espère que je ne me ferai pas siffler »

photo : Guy Delahaye

Le Jour se rêve… Un titre qui  prend divers sens après ce long confinement. Dans ce nouveau spectacle, présenté samedi 29 mai au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray, Jean-Claude Gallotta, toujours inventif et drôle, fait un clin d’œil à ses débuts de chorégraphe auprès de Merce Cunningham, à ce moment où s’ouvrent d’autres possibles. Il a imaginé cette pièce pour 11 danseurs et danseuses en trois events , ponctués de deux solos qu’il interprète. Il a fait appel à Dominique Gonzalez Foerster pour la scénographie et Rodolphe Burger, pour la musique, entre transe et rock. Entretien avec Jean-Claude Gallotta.

Est-ce que le jour se rêve à travers la création ?

Oui, absolument. Surtout en ce moment. Nous essayons de rêver à nouveau dans les théâtres et faisons là une allusion au présent. Le jour se lève et se rêve.

Comment avez-vous vécu ces confinements ?

Très durement. Pendant le premier confinement, tout était arrêté. J’avais peur pour les danseurs, que ce soit au niveau psychologique et physique. Je leur disais de sauter sur leur lit pour rester en forme. Puis il y a eu sans cesse des allers et retours. Parfois, on pouvait y aller, à d’autres non. Nous étions vigilants comme des pompiers devant un feu. Tous les jours, nous nous préparions. Toute la compagnie a tenu bon.

Est-ce que cette crise a freiné votre écriture ?

Oui et non. Cela passe par des moments très durs. Les créateurs sont habitués à tous les climats psychologiques de la vie. Il faut en faire notre miel et notre poison. J’essaie de continuer, de maintenir la compagnie. Au premier confinement, nous étions frustrés parce que nous venions juste de créer Le Jour se rêve. Aujourd’hui, c’est un feu d’artifice. La compagnie tourne avec plusieurs spectacles.

Le jour se rêve est un nouvel hommage. Pourquoi ?

C’est un hommage aux années qui m’ont construit, une référence aux events de Cunningham. J’ai pris des morceaux de pièces dans mon répertoire, des débris chorégraphiques. C’est une suite de trois pièces. La première se déroule dans une ambiance chamanique. Nous sommes ensuite dans une rave party avec des interprètes habillés de costumes très colorés avant des duos intimistes. J’interviens deux fois pour que les danseurs puissent se reposer.

« J’ai essayé de retrouver mon style du début« 

Vous dansez dans Le Jour se rêve. Voulez-vous montrer, comme dans Trois Générations, que la danse n’a pas d’âge ?

Oui. C’est moi le plus vieux dans la troupe. Je rends là aussi un hommage à Cunningham. À un moment, il s’est fait siffler quand il dansait. Des personnes n’admettent pas qu’un vieux vienne troubler l’espace. Moi, je trouvais cela formidable. J’espère que je ne me ferai pas siffler.

Rêvez-vous le jour avec le mouvement ?

Dans cette pièce, j’ai essayé de retrouver mon style du début. J’ai souhaité affirmer ce que j’avais entamé. Quand on commence la danse, on a un style particulier. Pour moi qui ne viens pas de là, je ne me sentais pas très bien. La marginalité peut cependant faire avancer les choses mais après, on doute un peu. On a un peu peur. Avec les années qui passent, cela s’efface. Je n’ai plus peur.

Pour cette pièce, vous avez demandé à Rodolphe Burger, un des premiers complices de Bashung de composer la musique. C’est un musicien qui peut emmener jusqu’à la transe, créer des atmosphères très électriques et élégantes.

Après le travail avec Bashung, c’est un cousinage que nous aimons bien. J’ai fait appel à lui pour toutes les raisons que vous avez énumérées et qui correspondent aux trois events de Le Jour se rêve. Sa musique est formidable.

Il y a des références philosophiques dans le travail de Rodolphe Burger. Comment avez-vous travaillé avec lui ?

Nous avons les mêmes références. Nous sommes passés de richesses à des plaisanteries. Nous avons échangé sur tous les sujets. Il m’a raconté de nombreuses anecdotes, de Higelin à Bashung. Nous sommes restés quelque temps dans son studio près de Colmar. J’ai retrouvé une manière de travailler de troubadour. Il y a un côté tribal chez lui. 

Vous alternez création et reprise de répertoire. Pourquoi est-ce important d’effectuer ce travail de mémoire ?

J’ai toujours défendu l’idée que les chorégraphes sont des créateurs. Je me suis battu pour que nous soyons reconnus comme des créateurs. Nous le sommes maintenant. Quand j’ai commencé, on créait et on jetait. Or une pièce chorégraphique est comme une pièce de théâtre. Elle peut être reprise. Après Le Jour se rêve, nous reprenons la saison prochaine Ulysse qui marque le démarrage de la nouvelle danse française.

Infos pratiques

  • Samedi 29 mai à 18h30 au Rive gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray.
  • Tarifs : de 26 à 8 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 32 91 94 94 ou sur www.lerivegauche76.fr
  • photo : Guy Delahaye