Léo Caillard : « nous sommes dans une époque néo-antique »

Qui es-tu Apollon ? À cette question, Léo Caillard apporte une réponse très singulière dans l’exposition qui se tient jusqu’au 30 novembre au musée Juliobona à Lillebonne. Le plasticien qui ne manque pas d’humour habille l’Apollon du Belvédère d’un tee-shirt, lui met une paire de lunettes et un téléphone portable dans une main. C’est un Hipster in stone, une œuvre d’une série photographique qui interroge le lien entre passé et présent, la figure du héros et l’approche de la statuaire antique. Pour ce faire, il va jusqu’à jouer avec les anachronismes. Léo Caillard sera dimanche 8 octobre au musée pour une rencontre. Entretien.

Quelle image aviez-vous d’Apollon avant de travailler sur ce dieu ?

C’est une figure complexe. Dans le langage contemporain, on a tendance à l’associer à la beauté masculine. Apollon est une divinité puissante, le symbole des arts, de la culture, de l’esthétique physique et mentale. Il apprend à discerner la beauté, à faire comprendre le beau.

Comment avez-vous regardé Apollon pour créer un nouveau Hipster in stone ?

C’est un dieu de l’Antiquité. Comme je suis de mon époque, je me suis demandé qui serait Apollon aujourd’hui. Pour moi, il serait un influenceur qui se prend en selfie. Il serait d’ailleurs davantage Narcisse qu’Apollon. J’inverse le sens. Si, dans l’Antiquité, il est la beauté de l’art par sa beauté, dans l’époque contemporaine, c’est sa beauté personnelle qui importe. 

Votre travail est le fruit d’une confrontation entre passé et présent. Pourquoi ?

C’est une question centrale. Cela vient de loin. J’ai été un enfant et un jeune homme passionné de sciences et d’arts qui ont toujours mené des réflexions proches. Comme la représentation du monde. Je ne peux pas les dissocier parce que tout se mélange et s’inspire. Nous cherchons à nous questionner sur le réel. Est-il une réalité ou une vision de l’esprit ? Le temps est circulaire et les choses se répètent. On cherche en effet dans le passé un chemin futur. Aujourd’hui, nous faisons partie d’une génération qui se laisse pousser les cheveux et la barbe. Nous sommes donc dans une époque néo-antique. C’est intéressant de voir comment les codes se répètent.

Ce sont alors trois espaces temps qui dialoguent.

Je travaille sur des matériaux d’époque qui deviennent une matière intemporelle avec des éléments d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Que devenons-nous alors dans cette grande histoire ? Cela questionne notre rapport au réel.

Vous en bousculez tous les codes.

Absolument. J’ai choisi de travailler sur les marbres parce que les statues étaient souvent peintes. Elles étaient vêtues et recouvertes de fleurs pendant les fêtes de Bacchus. C’était des entités. Elles devenaient des êtres vivants.

Qu’allez-vous chercher dans la statuaire antique ?

Je vais chercher ce qu’elle peut dire de l’humain. Les statues, des modèles moraux, m’inspirent par leur histoire et je les transpose dans des histoires quelconques. C’est une critique de nos bassesses.

Vous y ajoutez aussi de l’humour.

J’adore l’humour. Il est omniprésent et très puissant. Il permet de transmettre des idées fortes sans résistance, d’entamer des dialogues avec l’inconscient de la personne.

Êtes-vous davantage sculpteur ou photographe ?

Depuis 2015, je suis plus sculpteur. Je suis avant tout un artiste plasticien. J’utilise les médiums qui me semblent les plus justes. Le marbre est le matériau qui répond à mon envie de m’emparer de la statuaire. Quant à la photo, elle est à l’origine de mes recherches. Cela me permet d’avoir une lecture circulaire du temps. Elle continue à me fasciner. Elle fait revivre un moment du passé et devient de tous les temps. Le temps s’exprime ainsi dans sa tridimensionnalité.

Infos pratiques

Rencontre avec Léo Caillard

  • Dimanche 8 octobre à 15 heures au musée Juliobona à Lillebonne
  • Inscription au 02 35 95 90 13 ou à musee@cauxseine.fr

Exposition Qui es-tu Apollon ? De Juliobona à la culture pop

  • Jusqu’au 30 novembre au musée Juliobona à Lillebonne
  • Ouverture du mercredi au dimanche de 13h30 à 18 heures
  • Tarifs : 6 €, 4,50 €, gratuit pour les enfants de moins de 6 ans et les étudiants
  • Renseignements au 02 35 95 90 14 ou sur https://musee-juliobona.fr