Le secteur des musiques actuelles traverse une nouvelle crise qui remet en cause non seulement ses missions mais aussi son équilibre financier. Aujourd’hui, il reste concerné par les décisions ou les non-décisions prises par l’État. Explication
Les difficultés ne sont pas récentes. Les syndicats et les directions des salles de musiques actuelles ont lancé plusieurs alertes. Le réseau des 92 SMAC en France souffre d’une crise multifactorielle, davantage prégnante depuis le printemps. En cause : une forte augmentation des charges. « Il y a tout d’abord l’inflation des prix que l’on doit répercuter sur les salaires. La hausse du coût de l’énergie rogne aussi sur les marges artistiques », explique Christophe Aplincourt, directeur du 106 à Rouen. Pour certaines salles, ces dépenses ont doublé, voire triplé. « Il arrive que l’augmentation des coûts dépasse l’aide de la DRAC (direction régionale des affaires culturelles, ndlr), précise Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles (SMA). S’ajoute enfin la flambée des cachets artistiques, surtout celui des têtes d’affiche.
« Nous vivons sur un fil », rappelle Aurélie Hannedouche. Et ce, à un moment où « la fréquentation est repartie à fond et de nombreux projets musicaux naissent ». Les SMAC ont donc besoin d’être accompagnées pour ne pas terminer cette année 2023 en déficit et mener à bien leurs missions. Des missions pour soutenir la création, la diffusion, l’éducation artistique et culturelle. « L’équilibre économique est nécessaire pour garder un volume d’activité. Sinon, cela aura une incidence sur le contenu. Proposer moins de concerts pousse vers le privé, vers une standardisation. Nous serons dans l’eau tiède. C’est une lente dégradation », craint Jean-Christophe Aplincourt.
Une enveloppe de 200 000 €
Qui se préoccupe de la situation alarmante des SMAC ? Les parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat se sont emparés du sujet en proposant plusieurs amendements. Il a tout d’abord été proposé de relever la dotation minimum de l’État : la faisant passer de 100 000 € à 200 000 €. Ce qui représente une augmentation de 6,4 millions dans un budget global atteignant les 12,4 millions €. Cette dotation supplémentaire a disparu du projet de loi de finances au moment du vote par le 49-3 de la partie dépense du budget 2024 de l’État. Pourtant cet amendement avait été voté dans les commissions de la culture et des finances.
« Le Sénat a alors joué la prudence », commente Aurélie Hannedouche. Il préconise une enveloppe minimale de 175 000 €, soit un apport supplémentaire de 3,68 millions €, et décide de gager cette somme sur le Pass Culture (plus de 250 millions €). « La ministre de la Culture donne tout d’abord un avis de sagesse. Puis, en séance, au moment du vote de l’amendement, elle hésite et dit non. Elle ne soulève pas le gage. Et là, c’est l’incompréhension ». Le sujet est reparti dans la navette parlementaire avec un vote attendu jeudi 14 décembre à l’Assemblée nationale.
Une nouvelle taxe
Autre piste : une contribution obligatoire des plateformes de streaming au financement du centre national de la musique (CNM) votée au Sénat. « Cela répond à un souci d’équité, remarque Aurélie Hannedouche. Elles doivent amener une pierre à l’édifice. Cela permettra de consolider une économie fragile. Si le CNM n’avait pas été là, la moitié des entreprises auraient disparu à la sortie de la crise sanitaire ». Là encore, la partie n’est pas gagnée du côté du gouvernement.
Aujourd’hui, « nous sommes usés, fatigués, témoigne la directrice du SMA. Nous ne minimisons pas le poids de la dette mais nous sommes confrontés au manquement de l’État. Nous ne pouvons pas nous tourner vers les collectivités locales qui financent quatre fois plus ». Les SMAC restent le label le moins financé, en moyenne 135 000 €.