Les membres de l’association nationale des théâtres de marionnettes et arts associés (Themaa) se retrouvent au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly les 1er et 2 février pour des états généraux. Ils ne l’avaient pas fait depuis plus de dix ans. Pendant toutes ces années, la pratique a beaucoup évolué. Les artistes se sont emparés de cet art pour le faire dialoguer avec d’autres. Ce sera deux jours pour dresser un état des lieux et déterminer les enjeux futurs. Entretien avec Camille Trouvé, codirectrice du CDN de Normandie-Rouen pour évoquer une discipline artistique en mouvement.
Le CDN de Normandie-Rouen accueille les états généraux des arts de la marionnette. Quelle est cette marionnette ?
Nous avons tous adoptés ce mot, marionnette, pour nous fédérer même si nos pratiques sont diverses. Il y a aussi le théâtre d’ombre, le théâtre d’objets, le théâtre visuel… La marionnette a toujours été multiple. C’est ce qui fait toute sa richesse dans la famille du théâtre.
Quelle est sa place dans cette famille ?
Dans son histoire, la marionnette est présente dans le monde, dans les rituels des sociétés. Elle a des racines partout parce qu’elle est un passeport. N’oublions pas que cet art a échappé à la censure et a permis de faire entendre des paroles politiques. Le plus souvent, elle est reléguée au jeune public et considérée comme un art mineur mais elle a su s’émanciper de la tradition et faire sa révolution. Depuis les années 1980 et 1990, elle est très active et fait bouger les lignes.
Comment s’est-elle émancipée ?
Elle a su s’affranchir des codes, aborder de nouveaux sujets de narration et conquérir d’autres espaces. Nous avons fait évoluer notre art en nous emparant des outils d’aujourd’hui. Et ce, sans renier la tradition.
Est-ce que cette évolution s’est faite au service d’un récit ?
Elle s’est faite au service non seulement du récit mais aussi de l’image. Quel que soit le choix, cela doit nourrir la dramaturgie. Cependant, la présence du texte est très importante.
Existe-t-il aujourd’hui un répertoire ?
Pendant les états généraux, c’est un sujet qui est soulevé. Comment traite-t-on le répertoire ? En marionnette, il existe des maîtres, hommes et femmes, et des spectacles qui ont marqué. Néanmoins, nous n’avons pas beaucoup d’expérience dans cette façon de les reprendre.
Les arts de la marionnette n’ont pas eu d’états généraux depuis plus d’une décennie. Qu’est-ce qui a changé ?
Il y a eu beaucoup d’avancées. Lors des derniers états généraux a été écrit un cahier de doléances. Nous nous sommes interrogés sur ce que nous sommes et ce que nous pouvons devenir. C’est un secteur qui demande une nomenclature singulière. Il existe les Lieux-Compagnies missionnés pour le compagnonnage qui sont des lieux d’accompagnement pour les compagnies et qui leur mettent à disposition des ateliers et des outils. Il existe aussi les centres nationaux de la marionnette, comme Le Sablier, avec un cahier des charges précis. Nous avons besoin d’ateliers proches des plateaux, des dotations pour la création. Il est important d’être à l’égal des autres disciplines artistiques.
Il y a aussi un centre dramatique national, le premier en France
Il y en a un deuxième avec Bérangère Vantussi qui dirige le CDN de Tours. C’est un bonheur pour nous d’accueillir la profession lors de ses états généraux. Nous avons toujours milité pour qu’elle soit unie et réunie, que ce soit avec les lieux, les diffuseurs, les programmateurs, les constructeurs, les artistes… En France, il existe beaucoup de réseaux régionaux. Nous avons un réseau normand. Après le covid, nous avons ressenti le besoin de nous fédérer avec Le Sablier, Le Passage, la Scène nationale 61, Le Trident et une quinzaine de compagnies. Il y a des échanges de savoir-faire et une mise en commun d’expériences.
Quels seront les sujets abordés pendant ces assises ?
Nous allons dessiner le paysage de notre secteur, questionner le parcours d’un marionnettiste. Les arts de la marionnette connaissent des difficultés et restent sous tension. Se pose aussi la question de la transition écologique parce que nous travaillons avec la matière et rejetons des déchets. Alors pas plus et pas moins que les autres mais nous voulons réduire cette empreinte. La marionnette doit aussi rester un art populaire pour tous et toutes. Nous n’avons pas peur du mot. Cela permet de s’interroger sur le public, sur les valeurs que porte le secteur, comme le féminisme, l’inclusivité… La marionnette est aussi un art de la liberté qui réinvente son endroit de jeu et qui libère une parole.
Qu’est-ce qui manque à ces arts de la marionnette ?
Il y a des points de vigilance et de fragilité du secteur. Il manque des ateliers. Beaucoup d’artistes travaillent dans leur cuisine, dans les loges de théâtres. Il manque des financements en coproduction. Nous ne sommes pas au même niveau que le théâtre. Nous savons par ailleurs que nous sommes dans une économie prise dans un moule minimaliste. Il faut cependant continuer à développer une ambition pour la marionnette.
Infos pratiques
- Jeudi 1er février de 9 heures à 19h30 et vendredi 2 février de 9 heures à 17 heures au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly.
- Entrée libre
- Programme complet en ligne
- Karaoké marionnettique de la Big Up Compagnie, jeudi 1er février à 20h30 au Quartier libre à Rouen
- Aller aux Assises en transport en commun avec le réseau Astuce