“Ariane à Naxos” par le duo Clarac-Delœuil

photo : S. Barek

C’est du théâtre dans le théâtre. Ariane à Naxos de Strauss porte une réflexion sur la création lyrique. Un sujet qui a captivé Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil. Le duo de metteurs en scène revient à l’Opéra de Rouen Normandie avec ce nouveau spectacle, une cinquième production, jouée par l’orchestre dirigé par Ben Glassberg, et présentée du 15 au 19 novembre au Théâtre des Arts à Rouen.

Un retour à Richard Strauss

Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil reviennent à la musique de Richard Strauss (1864-1949). Ils mettent en scène Ariane à Naxos après Salomé. « C’est un compositeur que nous aimons beaucoup et que nous voulons encore explorer. Nous avons beaucoup d’affinités avec lui. Il écrit une musique, à la fois intellectuelle et forte en émotions, qui va droit aux tripes et au cœur. Il est sans cesse dans la modernité », remarque Olivier Delœuil. « Strauss explore les zones grises, complète Jean-Philippe Clarac. Il n’est pas monobloc ou monolithique. Il est aussi le grand compositeur de la psyché féminine. Il explore la complexité, dans le sens de richesse, les facettes des personnages féminins ».

Deux spectacles en un

Ariane à Naxos est une œuvre à demi-caractère, entre opera seria et opera bouffa. C’est un entremêlement de deux histoires. Chez un mécène bourgeois, installé à Vienne au XVIIIe siècle, deux troupes s’apprêtent à donner leur spectacle. Pour l’une, ce sera une commedia dell’arte avec ses célèbres personnages, pour l’autre, un drame lyrique inspiré du mythe d’Ariane. Comme le propriétaire des lieux veut son feu d’artifice à une heure bien précise, il demande à ce que les deux spectacles se jouent en même temps. C’est la consternation chez les deux équipes artistiques, notamment chez le Compositeur qui n’a pas d’autres choix que de se soumettre à la volonté de son mécène.

Ariane à Naxos, c’est aussi un jeu de miroir entre des personnages opposés. D’un côté, une tragédie grecque avec une Ariane, abandonnée par Thésée sur l’île de Naxos. La jeune femme, personnage atemporel et éternel, qui a juré fidélité à celui qu’elle aime, reste le symbole de la solitude. De l’autre, une comédie avec notamment une Zerbinette papillonnante qui souhaite profiter de la vie. Avec cette pièce lyrique, composée sur le livret de Hugo von Hofmannsthal, Strauss crée ainsi un dialogue entre différentes formes théâtrales.

Un « métissage artistique »

Le duo de metteurs en scène a eu à cœur de préserver ce « métissage artistique » et offre plusieurs niveaux de lecture de cet opéra. Comme toujours, l’histoire se déroule dans la ville de la représentation, donc à Rouen. Le spectacle est en train de se construire avec des artistes que le public suit lors de leur préparation dans les loges — moment ô combien intime — et qui endossent leur rôle sur scène. Le spectacle se déroule à nouveau sur le plateau et sur écran.

Avec cette œuvre de Strauss, Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil se sont questionnés sur la manière de mettre en scène un tel opéra aujourd’hui. Créer, c’est « faire des compromis ». Comme le montre le rôle du Compositeur dans Ariane à Naxos. « Ce personnage est un hommage à Mozart. Ce jeune artiste est exalté, très entier ». Par ailleurs, « tout opéra se crée en troupe, en équipe. On ne peut pas s’enfermer. Le compositeur, Strauss, n’est pas là mais on se demande comment lui voyait cette pièce. Nous avons déjà travaillé sur un opéra avec un compositeur vivant, Pascal Dusapin. Cela redéfinit les équilibres. Cependant, s’adapter, comme doit le faire le Compositeur, nous le faisons tous les jours ». À la fin d’une telle création, « tout le monde est transformé. C’est ce qui fait que le spectacle est vivant ».

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