Suzanne est une des chansons de l’album, La Place du fantôme. La Grande Sophie partage avec cette femme les interrogations sur son futur. Ce texte est devenu la première lettre d’une correspondance fictive qui fait l’objet d’un livre, Tous Les Jours, Suzanne. L’autrice et compositrice raconte son parcours, évoque sa famille, ses choix, l’écriture, ses rêves et ses désillusions, ses souvenirs… Elle est seule sur scène dans ce spectacle où se croisent lettres et chansons. Entretien avec La Grande Sophie qui sera dimanche 19 janvier au théâtre de l’Hôtel-de-ville au Havre pendant le festival Le Goût des autres, jeudi 6 février à La Scène 5 à Louviers et vendredi 7 février à L’Éclat à Pont-Audemer.
Écrire tous les jours, est-ce un autre exercice pour vous ?
Non, pas forcément. J’essaie d’écrire tous les jours et je suis plutôt du matin. Je ne dis pas que je réussis à écrire tous les jours. J’ai remarqué que si l’on arrête pendant un temps, c’est difficile de s’y remettre. C’est comme le sport. Par ailleurs, j’exerce un métier qui ne laisse pas de répit. On a toujours ça dans la tête. Je ne sors jamais de mes pensées et de mes mélodies. Néanmoins, c’est important d’avoir une régularité.
Et écrire des lettres, était-ce nouveau pour vous ?
Oui, c’était un nouvel exercice. Quand j’écris des chansons, la mélodie m’aide à porter les mots. Quand j’ai écrit ces lettres, je n’avais plus la mélodie dans la tête. Je n’avais pas non plus cette contrainte de faire sonner les mots. Ce que j’aime beaucoup dans l’écriture des lettres, c’est cette façon d’être dans la confidence. Moi qui suis très pudique, j’étais complètement à nu.
Vous vous êtes beaucoup livrée.
Je reviens sur mon parcours. J’ai bien aimé cette idée de le partager. Le plus souvent, on fait bonne figure pour montrer que tout va bien. Il est vrai aussi que nous ne sommes pas là pour faire pleurer. Dans ce livre, j’ai mis de l’espoir. L’écriture m’a permis de ne plus avoir peur, de trouver des solutions en moi. Je me suis rendue compte de tout ce que j’avais fait jusqu’alors. Je me suis dit que je pouvais me projeter et parler de mes envies. Dans ce métier, quand vous approchez la cinquantaine, vous vous retrouvez dans la partie la plus étroite de l’entonnoir. Tout se rétrécit. Or, j’ai encore des envies.
Se lancer dans une telle correspondance, était-ce pour vous un autre moyen de regarder le présent ?
C’est drôle. On m’a fait remarquer que je ne parlais pas du futur. Pour moi, pour retrouver la force du présent et une confiance, il est bien de se pencher sur le passé. Aussi, si on ne le fait pas, il est possible d’oublier des choses. J’avais peur de cela. En effet, c’est le présent que j’ai toujours recherché. C’est pour cette raison que je fais de la scène.
Pourquoi aviez-vous peur d’oublier ?
Je ne sais pas. On s’en rend compte quand on échange sur un événement avec les autres. On ne se souvient pas des mêmes choses. Il y a des décalages. Il m’arrive aussi d’oublier des moments. Sur scène, j’ai parfois des trous. Il faut travailler sa mémoire. Je trouve qu’il est bien de rassembler ses souvenirs, de les formuler. Je voulais qu’ils existent à travers ces pages.
Le temps est une thématique qui revient régulièrement. Il traverse vos différents albums.
À chaque fois que j’ai écrit un album, j’aborde cette notion de temps qui passe. Je n’y peux rien. Cela m’a toujours préoccupée et nous concerne tous.
Quelle place laissez-vous aujourd’hui aux rêves ?
Je suis une personne déterminée mais aussi pleine de doutes. Je me souviens que j’étais une petite fille qui voulait chanter. J’ai obéi à ça. Mes parents m’ont souvent dit : tu dois faire le métier que tu aimes. Et ça, ce n’est pas donné à tout le monde.
Votre volcan ne s’éteint jamais, comme vous l’écrivez dans la chanson, Suzanne ?
Oui même si on a voulu l’éteindre. J’arrive à un âge où on laisse peu d’issues alors que je suis pleine de vitalité. Dans ce livre, j’ai fait ce bilan-là aussi. J’en arrive à cette déduction. Ce qui compte, c’est mon instinct et mes envies.
Il y avait cette envie ou cette nécessité d’écrire une correspondance.
Une nécessité, oui. La première lettre a été la chanson, Suzanne. J’ai beaucoup imaginé cette femme. J’ai cru qu’elle était là parfois. J’avais besoin de me confier à une autre personne et je voulais que ce soit une femme.
Le livre est publié. Est-ce que Suzanne vous manque ?
Je lui ai écrit avant la sortie du livre. Aujourd’hui, j’essaie de m’en détacher. Cette écriture est chronophage et j’ai envie de garder du temps pour d’autres projets.
Infos pratiques
- Dimanche 19 janvier à 18 heures au théâtre de l’Hôtel-de-ville au Havre. Gratuit. Réservation en ligne
- Jeudi 6 février à 20 heures à La Scène 5 à Louviers. Tarifs : 18 €, 10 €. Réservation au 02 32 40 31 92 ou à lascene5@ville-louviers.fr – des places sont à gagner
- Vendredi 7 février à 20h30 à L’Éclat à Pont-Audemer. Tarifs : 15 €, 11 €. Réservation au 02 32 41 81 31 et sur http://eclat.ville-pont-audemer.fr