À partir d’une photo, prise le 9 juin 1940, la compagnie Avant L’Averse révèle un épisode de la Seconde Guerre mondiale trop méconnu. Lou Simon, autrice, metteuse en scène et marionnettiste, a écrit avec Karima El Kharraze Insomniaques, une pièce de théâtre empreinte de symboles forts. Après le CDN de Normandie-Rouen, celle-ci se joue mercredi 29 janvier au théâtre Jean-Vilar à Ifs avec Le Sablier et vendredi 31 janvier au Passage à Fécamp.
Arnold et Clémentine sont désormais insomniaques. Avant eux, Jean-Michel et Flora ne parvenaient pas à dormir non plus. Comme une malédiction, cette perte de sommeil a étrangement un lien avec un pan de l’histoire oublié pendant la Seconde Guerre mondiale. Le transmettre apporte non pas un apaisement mais le sentiment d’avoir accompli un geste essentiel. Alors il faut transmettre. Lou Simon le fait avec cette nouvelle création, Insomniaques, écrite avec Karima El Kharraze, à voir absolument mercredi 29 janvier au théâtre Jean-Vilar à Ifs et vendredi 31 janvier au Passage à Fécamp après les premières représentations au CDN de Normandie-Rouen.
C’est une photo qui a suscité le besoin d’écrire. Lou Simon, fondatrice de la compagnie Avant L’Averse, découvre un cliché avec des tirailleurs sénégalais dans une charrette. En haut, à droite est inscrit : Rouen erste Tag. Ce premier jour (en allemand), c’est le 9 juin 1940, date de l’arrivée de l’armée allemande à Rouen et d’un massacre raciste. Ces hommes noirs, en uniforme de l’armée française, au regard perdu, seront fusillés et leurs corps, découverts ensuite dans le square Maurois et dans une propriété de la rue de Bihorel.
Oublier
La raison des insomnies ? Un crime ! Jean-Michel, très concentré, et Flora, un peu précieuse, ont effectué des recherches sur ce fait historique pour écrire un livre. Toutes les informations récoltées, les deux amis, passionnés d’histoire, les ont transmises à Arnold et Clémentine (Arnold Mensah et Clémentine Pasgrimaud). À eux maintenant de raconter. Dans le spectacle, ils déroulent ensemble le fil de l’enquête entrant parfois dans la peau de leurs personnages. Dans cette quête de vérité, le duo est accompagné par la musicienne Mariama Diedhou, figure des fantômes de ces disparus.
Lou Simon a imaginé un élément scénographique astucieux, symbole d’une enquête difficile effectuée avec une grande précaution et à partir de plusieurs sources. Il y a tout d’abord cet amas de papier lacéré pour effacer une mémoire, puis cette grande photo prise le 9 juin 1940 couverte d’une couche de poussière, encore ces boîtes d’archives avec trop peu de noms qui deviendront des sépultures et un mur pour les exécutions. Chaque objet empilé et mis au jour enrichit l’enquête pour laisser apparaître lors d’un moment de poésie une marionnette. C’est Gustave, le seul survivant du massacre.
Dans Insomniaques, Lou Simon questionne avec une grande finesse une tragédie méconnue et la volonté de l’oublier après 1947 pour l’expliquer par un racisme qui a traversé les décennies.
Infos pratiques
- Mercredi 29 janvier à 19h30 au théâtre Jean-Vilar à Ifs. Tarifs : de 16 à 3 €. Réservation au 02 31 82 69 69 ou en ligne
- Vendredi 31 janvier à 20h30 au Passage à Fécamp. Tarifs : 10 €, 8 €. Réservation au 02 35 29 22 81 ou sur www.theatrelepassage.fr
- Durée : 1h20
- Spectacle à partir de 12 ans