Avec un film tous les cinq ans — La Tête de maman (2007), Du vent dans mes mollets (2012), Ôtez-moi d’un doute (2017) et Les Jeunes Amants (2022) —, Carine Tardieu nous propose son cinquième film, L’Attachement, avec un peu d’avance. On ne va pas s’en plaindre puisque cette réalisatrice, discrète, a le chic pour aborder des sujets puissants tout en douceur.
Au cœur de cet Attachement, il y a Sandra (Valeria Bruni-Tedeschi), quinquagénaire farouchement indépendante, qui tient une librairie féministe. C’est dire… Un jour, pour dépanner ses voisins dont la femme est sur le point d’accoucher, elle accepte de garder Elliot, leur petit garçon de 6 ans, C’est le point de départ d’un lien aussi inattendu qu’indéfectible d’autant qu’Alex (Pio Marmaï), le père, rentrera seul, sa femme étant morte en donnant vie à la petite Lucille.
« Le point de départ du roman m’a tout de suite intéressée : cette rencontre entre cette femme qui se veut très libre, qui se revendique une certaine indépendance d’esprit et de corps, et qui, malgré elle, se retrouve bouleversée par cet homme et ses enfants, témoigne Carine Tardieu. J’y ai vu la possibilité de faire le portrait d’une femme moderne soudainement ébranlée par ses émotions. L’affection que lui portent Elliot et Alex la touche et fait voler en éclat ses certitudes. »
La réalisatrice filme cette évolution avec délicatesse tout en centrant son sujet autour du deuil d’Alex. Après avoir suivi Sandra, sûre d’elle, dans sa vie quotidienne, le spectateur s’amuse de la voir comme encombrée par un gosse de 6 ans, bien plus à l’aise qu’elle. Embarrassée, elle ne sait pas trop comment lui parler, comment l’occuper, et finalement comment s’en débarrasser. Ni trop féministe, ni trop mère-poule, Valeria Bruni-Tedeschi reste juste dans toutes les situations.
Le film chapitré par l’âge du nourrisson
Le temps fort qui va d’ailleurs motiver tout le développement des relations de Sandra avec ses voisins, c’est le retour d’Alex endeuillé avec son nourrisson. Coup de chapeau à Pio Marmaï qui peut nous faire rire et sait aussi nous bouleverser l’air hagard, le regard embué, en papa qui s’effondre à l’idée d’annoncer à un enfant que sa mère ne reviendra plus.
À partir de là, le film se chapitre avec le développement du bébé, première sortie, premier pas, première bougie… On voit alors Elliot, venant de perdre sa mère qui s’accroche instinctivement à Sandra, amenant celle-ci à s’ouvrir aux autres, à s’impliquer un peu plus dans leur vie. « C’est impossible de lutter contre les liens d’attachement lorsqu’ils s’imposent à nous », affirme Carine Tardieu.
Il en est de même pour Alex qui — une façon intelligente de ne pas tomber dans une comédie romantique galvaudée — va retrouver la joie de vivre auprès d’Emilia (Vimala Pons). À travers elle, Carine Tardieu s’intéresse à la notion de famille, de maternité et aux injonctions faites aux femmes d’être mère. Son Emilia rêve de fonder une famille, mais a bien du mal à se faire une place auprès des enfants d’Alex, déjà très attachés à Sandra.
Autant dire qu’on vous recommande L’Attachement de Carine Tardieu, un drame émouvant et lumineux, grave et attendrissant, délicat et profond.
- L’Attachement de Carine Tardieu (France, 1h45) avec Valeria Bruni-Tedeschi, Pio Marmaï, Vimala Pons…