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« Juste une lampe et un corps »

Il peut être espiègle, un peu crooner, très flambeur. Il peut être aussi très discret, mettre son corps en avant pour mieux le faire oublier. Philippe Beau est tout d’abord magicien. Chapeau haut de forme, cigare à la bouche, il fait apparaître des pièces de monnaie, change de simples bouts de papier en billets de 50 €, verse une coupe de champagne dans un journal sans qu’une goutte tombe et mouille le papier. Il est également ombromane. Il réalise des ombres chinoises, comme le font seulement une vingtaine de personnes dans le monde. Philippe Beau qui se produit au Crazy Horse, travaille pour le cinéma, la publicité, la danse, les designers et vient d’imaginer Magie d’ombres et autres tours. La Maison Tellier, groupe rouennais, a fait appel à ses talents pour le tournage du clip Suite royale. Il a été entrainé dans l’aventure du Cabaret de la dernière chance par Adam Traynor. Jusqu’au 15 juin, au 106 à Rouen, il présente avec plusieurs artistes des numéros drôles, poétiques, émouvants.

Philippe BeauComment vous sentez-vous dans ce Cabaret de la dernière chance ?

Je m’amuse bien. C’est un projet intéressant. J’ai vite senti qu’il y avait un nouveau ton. L’idée de créer un cabaret incisif me plaisait beaucoup. C’est une sorte de challenge pour tous. Nous nous mettons à la disposition d’Adam.

Vous formez un duo étonnant avec Louise de Ville.

Dans ce numéro, deux ombres se rencontrent. Il y a une ombre projetée et une ombre rétroprojetée. C’est un duo un peu canaille.

Dans ce cabaret, vous apparaissez de deux manières complètement différentes si bien que l’on peut se demander si le magicien et l’ombromane sont le même homme.

Avoir deux personnages permet d’accentuer les traits de caractère de l’un et de l’autre. C’est intéressant de jouer la carte radicale. Le magicien est plus sûr de lui. Au contraire, réaliser des ombres chinoises demande plus de précision, de concentration. J’essaie de jouer là-dessus, comme si j’avais une double personnalité.

Est-ce la magie qui vous a amené à l’ombromanie ou l’inverse ?

J’ai commencé par la magie. J’avais 14 ans. Mes parents m’ont inscrit à une école de magie. Je ne voulais pas y aller. Je ne comprenais pas bien pourquoi ils avaient eu cette démarche. J’y suis allé et les activités m’ont plu. La passion a pris le dessus. Je me suis intéressé aux ombres chinoises à 17 ans, grâce à un de mes profs. J’ai été fasciné par ce travail des mains, du corps. Moi qui aime le ciné, les ombres chinoises étaient pour moi un cinéma primitif. Avec cela, il y avait moyen d’emmener le spectateur quelque part.

Pourquoi y a-t-il si peu d’ombromanes dans le monde ?

Il y en a si peu parce que ce métier est difficile et s’exerce seul. De plus, il faut travailler dans le noir. Ce n’est pas drôle quand même.

C’est aussi un travail de grande précision.

On passe beaucoup de temps à trouver des formes. Pour les profils humains, ce sont des années. Mon premier spectacle qui durait dix minutes m’a demandé quatre années de travail. Aujourd’hui, la société actuelle est à l’opposé : tout est plus rapide, plus sophistiqué. L’ombromanie est démodée. C’est juste une lampe et un corps.

Est-ce que la qualité de la lumière est importante ?

Oui, j’utilise une lampe particulière que j’ai créée. Pendant des siècles, on a fait des ombres chinoises avec une bougie. C’est la meilleure lumière parce qu’elle est très fine, mais très faible.

Y a-t-il des figures impossibles à réaliser ?

Je ne peux pas créer des objets. Je crée ce qui est vivant. Le vivant crée le vivant.

 

  • Tous les soirs à 20h30 jusqu’au 15 juin au 106 à Rouen.
  • Tarif : 4 €. Réservations au 02 32 10 88 60.