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« Lohengrin » : une histoire politique racontée à l’Opéra

Rouen : 3e tableau, Le Monde illustré,  n° 1768 (14 février 1891), p.137 © collection particulière
Rouen : 3e tableau, Le Monde illustré,
n° 1768 (14 février 1891), p.137
© collection particulière

Avant les représentations de Lohengrin à l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, Yannick Simon, professeur à l’Université de Rouen, raconte l’histoire de l’œuvre, composée par Richard Wagner entre 1845 et 1847, lors d’une conférence mardi 12 mai. Une histoire pleine de rebondissements, à la fois musicale et politique, qu’il raconte dans Lohengrin, Un Tour de France, 1887-1891.

 

Pourquoi avez-vous choisi cet intervalle de temps, 1887-1891 ?

La première représentation de Lohengrin a eu lieu en 1887 à l’Eden-Théâtre à Paris. 1891 correspond à l’entrée au répertoire de l’œuvre à l’Opéra de Paris. Souvent, on oublie les créations en province. Si Wagner a réussi à être accepté en France, c’est parce que l’on joue beaucoup Wagner en dehors de Paris.

 

C’est une œuvre qui est liée au contexte politique du moment.

Pendant trente ans, on n’a pas joué Wagner parce qu’il a eu des problèmes avec la France. Après 1870, il s’est moqué des Français et Wagner est devenu le symbole des méchants Prussiens. En 1887, on joue pour la première fois une oeuvre de Wagner après la guerre. Il y a eu des manifestations dans la rue, donc une seule représentation. Tout cela est lié au climat politique et à l’anti-germanisme de l’époque. Il y a eu ensuite une période de réchauffement. Nous sommes 20 ans après la guerre, 25 ans avant la Première Guerre mondiale. Lohengrin a pu être donné de nombreuses fois en province.

 

En février 1891, Lohengrin est présenté à Rouen. C’est le début du tour de France. Est-ce un hasard ?

Le Théâtre des Arts à Rouen est un lieu important en France. Il a un directeur très actif qui a programmé un an auparavant Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, les premières représentations françaises. Il prévoit une série de représentations de  Lohengrin pendant trois semaines.

 

Le directeur, M. Taillefer, accorde beaucoup de moyens à cette création.

On y met les moyens. Il y a des décors et des costumes nouveaux. On fait de nombreuses répétitions. On investit beaucoup avec l’espoir que cet opéra ait un succès.

 

Etait-ce un pari osé ?

C’était quand même un risque. Cela pouvait se terminer très mal. Cependant, Wagner était très joué dans le monde et le directeur a flairé la bonne affaire. Wagner séduit désormais le public. A Rouen, il y a 26 représentations. On joue tous les jours.

 

Des Parisiens viennent jusqu’à Rouen pour assister à Lohengrin.

S’ils veulent écouter des pièces de Wagner, les Parisiens doivent se déplacer. On ne les joue pas à Paris. Une agence de voyage organise même des voyages en train jusqu’à Rouen, le dimanche lorsque les représentations commencent à 13 ou 14 heures.

 

La presse de l’époque a beaucoup écrit sur Lohengrin.

La presse a beaucoup soutenu cette série de représentations. Elle a un rôle pédagogique parce qu’elle présente l’opéra. Elle raconte l’histoire en détail. Elle écrit ensuite des comptes-rendus. Il y a la presse locale avec ces quatre ou cinq quotidiens et aussi la presse nationale.

 

D’où vient ce lien entre Wagner et Rouen ?

Après 1891, on joue des œuvres de Wagner partout. Tout cela est un peu surfait. Si l’on compare avec d’autres villes, Wagner n’est pas plus programmé à Rouen qu’à Lyon ou Bordeaux.

 

 

 

  • Conférence : mardi 12 mai à 19 heures, Le Tour de France par Lohengrin par Yannick Simon au Théâtre des Arts à Rouen
  • Lohengrin, Un Tour de France, 1887-1891, Yannick Simon, Presses universitaires de Rennes, 134 pages.
  • Cinéma : lundi 11 mai à 19h30 projection de Perceval le Gallois d’Eric Rohmer à l’Omnia à Rouen.
  • Représentations : mercredi 13 et vendredi 15 mai à 19 heures, dimanche 17 mai à 15 heures, mardi 19 mai à 19 heures au Théâtre des Arts à Rouen. Tarifs : de 68 à 10 €. Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr