Le théâtre métissé d’Eva Doumbia

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Trois jours pour s’interroger sur certaines pratiques dans le milieu de la culture. Le CDN de Normandie Rouen organise du 11 au 13 octobre les Journées de la diversité culturelle. Eva Doumbia, autrice, metteuse en scène, membre du collectif Décoloniser les arts apporte son témoignage.

 

evadoumbiaok« Mon parcours est compliqué mais c’est enthousiasmant ». Eva Doumbia a grandi à Gonfreville-l’Orcher, près du Havre « dans un milieu populaire. Ma mère était institutrice. Mon père, ouvrier. Il y avait la volonté de faire en sorte que les enfants s’en sortent ». A 17 ans, Eva Doumbia quitte la Normandie pour Aix-en-Provence où elle poursuit ses études en faculté de Lettres. « J’étais complètement paumée parce que je n’avais pas les codes. Avant de partir, je n’avais pas conscience de subir un racisme. C’était le racisme des années 1070-1980 avec des ambiances à la Michel Leeb. A Aix, j’ai pris conscience d’une disparité sociale. J’étais même complexée. Quand je parlais de ma famille, je racontais n’importe quoi ».

 

Eva Doumbia a toujours voulu être comédienne. Ce ne fut pas simple. « J’ai même joué Vendredi dans un spectacle pour enfants ». Elle se tourne ensuite vers la mise en scène. « Quand j’ai passé le concours, je me suis aperçue que j’étais la seule noire et que nous étions deux à venir de quartiers populaires. Il y avait toute une forme de langage que nous n’avions pas acquis. Surtout nous n’avions pas de réseau. J’ai dû fournir plus de travail pour arriver à monter mes spectacles. C’est la même chose encore aujourd’hui. Pourtant, on me connaît. J’ai de bonnes critiques. Mais mes spectacles ne tournent pas. On me dit clairement que cela n’intéresse pas les programmateurs ».

 

Le théâtre d’Eva Doumbia est empreint de son histoire, métissé. Son combat pour un art pour tous s’inscrit dans sa démarche artistique. « C’est ma problématique. Cela fait partie de mes projets artistiques, poétiques, politiques. J’essaie de les mener avec le plus de légèreté possible parce que cela me ressemble ». Elle présente mercredi 13 décembre Afropéenne à l’espace de la Pointe de Caux à Gonfreville-l’Orcher, es 17 et 18 mars La Traversée, une adaptation des textes de Maryse Condé, au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly.

 

Dans ses spectacles, Eva Doumbia parle du monde. « Aujourd’hui, on a besoin de raconter des histoires banales avec des familles normales » pour réunir des mondes. « Il y a quinze ans, j’ai travaillé sur des textes d’Edward Bond. Il y avait un rappeur. Il n’avait jamais vu qu’il y avait un théâtre en face de chez lui. Il existe des mondes parallèles. La médiatisation culturelle doit être confiée aux artistes. C’est à eux de parler de leur travail. Il faut une popularisation du théâtre, une ouverture des lieux à tout ce qui s’invente dans la rue ».

 

Alors les Journées de diversité culturelle auxquelles Eva Doumbia participe sont un événement important. « C’est un début. Mais on en a marre que ce soit toujours des début. Il faut une vraie volonté politique. Mais je suis pessimiste. Il est nécessaire de réfléchir en terme de rapport de force ».

 

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Le programme des journées de la diversité culturelle

  • Mardi 11 octobre au musée des Beaux-Arts à Rouen (entrée libre)
  • 14 heures : ouverture du colloque
  • 14h15 : conférence Des Magiciens de la terre à Carambolages par Jean-Hubert Martin, ancien directeur du musée national d’art moderne et du musée des arts d’Afrique et d’Océanie
  • 15h45 : table ronde sur La Diversité des patrimoine, enjeux d’histoire
  • 16h15 : table ronde sur La Diversité des publics, enjeux d’aujourd’hui
  • 17h30 : synthèse et conclusion

Mardi 11 octobre au théâtre des Deux-Rives à Rouen

  • 20 heures : Paris, d’après Mélo de Frédéric Ciriez, mise en scène de David Bobée, avec Marc Agbedjidji, Angelo Jossec, Marius Moguiba. Tarifs : 18 €, 13 €. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
  • 21h30 : projection de Le Bleu blanc rouge de mes cheveux de Josza Anjembe. Tarifs : 5,50 €, 4 €.

Mercredi 12 octobre à la Mam Galerie à Rouen

  • 18 heures : vernissage de l’exposition collective. Entrée libre

Mercredi 12 octobre au théâtre des Deux-Rives à Rouen

  • 19 heures : projection de Le Bleu blanc rouge de mes cheveux de Josza Anjembe. Entrée libre.
  • 19h30 : lecture de textes de Tony Morrison par Eva Doumbia avec les élèves de l’école régionale d’acteurs de Cannes. Entrée libre.

Mercredi 12 octobre à l’Omnia à Rouen

  • 21 heures : projection de La Ligne de couleur de Laurence Petit-Jouvet. Tarifs : 5,50 €, 4 €.

Jeudi 13 octobre au théâtre des Deux-Rives à Rouen. Entrée libre

  • 10 heures : introduction de Karine Gloannec-Maurin, haute fonctionnaire en charge de la diversité au Ministère de la Culture
  • 10h30 : rencontre avec le collectif Décoloniser les arts
  • 14 heures : rencontre avec l’office national de Diffusion artistique
  • 16h30 : performance de Medhi George Lalhou

Jeudi 13 octobre au Rexy à Mont-Saint-Aignan

  • 20 heures : Finir en beauté de Mohamed El Khatib. Tarifs : 14 €, 9 €. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.cdn-normandierouen.fr