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Les choix de Frédéric Roels

photo David Morganti
photo David Morganti

Il y a quelques turbulences. Pas seulement dans le ciel, notamment lorsqu’est évoqué l’Opéra de Rouen/Haute-Normandie. Une association des publics s’interroge. Frédéric Roels, directeur, répond.

 

Il a fallu l’annonce du non-renouvellement du contrat de Luciano Acocella, directeur musical de l’Opéra de Rouen/Haute-Normandie, pour qu’une frange du public s’insurge. L’APO-Rouen, Association des publics de l’Opéra, que préside Mathieu Dranguet, réunit des spectateurs quelque peu en colère.

 

Impossible encore de compter le nombre de membres. « Nous avons lancé cette initiative fin décembre. Nous envoyons seulement les bulletins d’adhésion », indique Jean Braunstein, vice-président de l’association. Cependant, « nous avions envie de fonder une telle structure depuis deux ans. Le public de l’Opéra n’est jamais consulté. Les choix sont toujours le fait de quelques-uns. Nous voulons faire entendre notre voix ».

 

Faire entendre une voix, en effet. Quant à la participation à la vie d’une structure artistique, l’argument peut être contestable puisqu’une personne est nommée à la direction d’un lieu pour mettre en place un projet cohérent.

 

Non », répond Jean Braunstein. « Notre président est certes membre de l’UDI mais il est le seul à adhérer à un parti. Nous ne faisons pas de politique et nous n’avons reçu aucun soutien d’un parti politique. Nous défendons une conception de l’opéra ».

 

Les membres de APO-Rouen veulent avant tout partager des craintes. Notamment celle d’une évolution de la programmation. « Frédéric Roels est un directeur qui ose, qui fait de bonnes choses. Il doit aussi tenir compte des goûts d’un public traditionnel ».

 

Attachés à l’opéra, « nous ne voulons pas que le niveau baisse et il a déjà baissé. Nous entendons des chanteurs de moindre niveau. L’Opéra doit garder un rayonnement ». Ils regrettent donc « un manque de grandes œuvres lyriques », « une désaffection du public » et le départ de Luciano Acocella. « Il s’est fait de manière désinvolte. Le renvoi de Daniel Bizeray (précédent directeur général de l’Opéra/Haute-Normandie, ndlr) a été tout aussi scandaleux. Ce type de gestion est condamnable d’autant que l’on constate une intrusion du politique. Nous avions un chef d’une stature internationale que le public appréciait. Pourquoi le changer ? »

 

Réponse de Frédéric Roels : « L’histoire devait s’arrêter. Nous avons vécu ces trois saisons ensemble en vivant des moments forts. Luciano Acocella a apporté à l’orchestre une discipline, une rigueur, une propreté de phrasé que j’apprécie beaucoup. Aujourd’hui, nous avons besoin d’évoluer vers un autre type de profil. Nous ne partons pas en froid puisque Luciano Acocella dirigera la saison prochaine ».

 

C’est Leo Hussain qui remplacera Luciano Acocella la saison prochaine. Son titre : chef principal et non plus directeur musical. Pour Frédéric Roels, cette nouvelle appellation permet d’être davantage « en adéquation avec le fonctionnement de l’Opéra. Je suis directeur et j’ai la responsabilité de la programmation. Le chef s’occupe de la vie de l’orchestre, de son développement, de la programmation symphonique ».

 

Le public de l’Opéra de Rouen/Haute-Normandie a exprimé la même émotion après le départ d’Oswald Sallaberger. Cela montre un véritable attachement aux maestros qui écrivent des épisodes de l’histoire de l’Opéra. « Il y aura la même relation affective avec Leo Hussain », assure Frédéric Roels. « C’est un jeune chef impressionnant, une personne charismatique qui emmène le public quelque part. Il est prodigieux, très polyvalent et curieux de différents répertoires. C’est un grand chef pour la musique du XXe siècle ».

 

Frédéric Roels se veut rassurant sur son choix et également sur la fréquentation de la salle. « Nous avons aujourd’hui 5 253 abonnés, soit 36 de plus que sur la saison 2012-2013. Ce n’est pas exponentiel, mais c’est une progression. Le taux de fréquentation reste stable à 88 % ».

 

Quant au budget de l’Opéra qui s’élève à plus de 12 millions d’euros, « en équilibre pour la quatrième année », le directeur ne cache pas une moindre marge budgétaire à cause d’un différentiel entre recettes et dépenses grandissant. « Depuis 2008, les subventions restent à l’identique. Nous avons cependant bénéficié d’un avantage en nature. Suite au déménagement des ateliers dans les locaux de la Région, nous ne payons plus de loyer. D’année en année, les coûts augmentent. Tout comme la masse salariale, les taxes… Cela rogne sur la partie artistique ». Certains projets évoqués ont donc été abandonnés. Notamment Le Malade imaginaire du Poème harmonique. « Cela se fait dans la douleur. Nous nous apercevons que les projets sont trop ambitieux et que nous n’avons pas la capacité de financement. Cela arrive assez fréquemment chaque saison ». Frédéric Roels promet de « beaux spectacles » pour l’année prochaine. On a hâte d’en savoir davantage.